Extrait du journal

^jpüis un mois, les pèlerins affluent dans la vallée du fleuve Alphée. Là où ne s’élevait il y a quelques siècles que le sanctuaire du roi Pelops, a surgi une ville à la gloire des dieux et de leur œuvre la plus belle, le corps humain. Les sacrifices sanglants que l’on rendait autrefois au vieux roi ont été peu à peu transformés en cérémonies religieuses et en jeux. Depuis quatre siècles, cette vallée merveilleuse et sauvage est vouée au culte de la force et de l’endurance des hommes. L’Hellade est arrivée au faîte de sa civilisation. Les orateurs, les hommes politiques, les poètes,* les artistes athéniens éclairent le monde méditerranéen, tandis que les sombres et silencieux soldats du Péloponèse le dominent encore. L’influence de Phidias décline, mais celle du voluptueux Praxitèle éclate. Qu'importe si la pythonisse indique qu’un autre peuple de la Méditerranée occidentale va imposer, sous le signe de la Louve, une autre civilisation et que, dans quatre siècles, va naître, sur un rivage proche mais barbare, un enfant porteur d’une marque divine qui enflammera le monde et engendrera une ère nouvelle avec la seule arme de la parole et de la foi ! Pour le moment, il ne faut songer qu’à la célébration de ces jeux olympiques. Ils ont bouleversé la vie grecque, depuis qu’ils ont été fondés. Comme ils se disputent tous les quatre ans, on a pris l’habitude de prendre l’espace qui les sépare, l’Olympiade, pour unité de temps. Ce snobisme né dans les bars d’Athènes où s’assemblent les jeunes gens de famille, devant le comptoir de marbre où sont posées les urnes de vin des Iles, est devenu une coutume populaire. On dit maintenant : « Cela se passait la troisième année de la soixante-septième olympiade ». Et maintenant, tous ceux qui sont en état de voyager se croiraient déshonorés s’ils n’assistaient pas aux jeux, tous les quatre printemps....