Extrait du journal

— Qu'un tabellion qui n'est pas parfaitement honnête file avec notre capital et aille voir ailleurs s'il peut jouir de ce qui était auparavant nos disponibilités, c'est le risque quotidien, non point que je doute de l'honnêteté certaine de tous les notaires en général et du mien en particulier. Mais ce qui me parait inadmissible, c'est qu'un employé puisse disposer pendant vingtcinq ans de sommes considérables, sans que personne ne lui demande des comptes et surtout ne vérifie ceux qu'il fournit. C'est un encouragement à l'indélicatesse, car ce niais de clerc, s'il n'était pas venu s'accuser de ses détournements aurait pu les prolonger pendant un long temps, sans que son patron en eût eu vent, si toutefois je puis m'exprimer ainsi. J'ai rencontré tout à l'heure, le principal clerc de l'étude qui se charge de mes affaires. Il m'a expliqué, en éclatant de rire, qu'au prix où sont payés les employés des notaires, il fallait les admirer en leur honnêteté. Mais, pour les clients, s'il est préférable que la chambre des notaires réponde, tout entière, du déficit, il est navrant de penser qu'un patron se désintéresse assez de ses affaires pour ne pas s'apercevoir, en vingt-cinq ans, du coulage ; car si florissante que puisse être une charge, seize millions comptent tout de même, en dépit que l'on en ait. S'il y avait une justice un peu plus haute, j'entends une justice dans le genre de celle qui, je l'espère, siégera après l'appel des trompettes, je voudrais voir assis le patron à côté de son employé, non pas parce qu'il est malhonnête, mais parce que sa négligence est tout de même coupable....