Extrait du journal

Pendant que se poursuit l’expérience de mobilisation que l’on a cru lion de faire à Toulouse, sur des bases essentiel lement différentes" de celles qui s’impo seraient en cas de guerre, il n’est peutêtre pas mauvais de s’élever par la pen sée au-dessus de cette opération intéres sante, mais limitée dans son but et dans ses moyens, pour se demander où nous en sommes, au point de vue de la défense nationale. Ce n’est pas dans ce journal, où écrit assidûment l’auteur du livre remarqua ble intitulé Avant la bataille, ce n’est pas aux lecteurs du Paris qu’il est besoin d’expliquer les ressorts multiples de notre grand appareil militaire. M. Bar thélemy s’acquitte à merveille de ce rôle, avec une compétence qui sent son profes seur d’art militaire et une clarté qui laisse prudemment dans l’ombre toutes les avi dités techniques. Mais à côté de la description raisonnée et critique de nos réformes législatives et administratives, après ses études sur le recrutement, sur le commandement, sur la tactique, sur l’intendance, — il y a encore un point à élucider : Où en est, où doit en être notre pays de sa situation morale? En un mot, peut-il et doit-il avoir confiance? C’est à cette question qu’il est mainte nant facile de répondre, et, quelles que soient les défectuosités de détail que ré vèle la mobilisation factice du 17° corps, nous n’hésitons pas à déclarer que, de l’avis de tous les hommes compétents, la France peut se considérer comme assez forte pour repousser topte agression, — puisqu’elle n’a pas l’intention d’entre prendre une guerre de conquête. Son armement, même si elle était sur prise aujourd’hui par une attaque sou daine, son armement est tout à fait in comparable pour l’artillerie. Pour l’in fanterie, le fusil Gras esta peine inférieur au système à répétition qui est en usage dans certains corps allemands ; il est de beaucoup supérieur aux fusils ordinaires qui restent en service provisoirement dans d’autres corps du même pays. Le fusil Lebcl est meilleur que tous les autres. Les élèves de Saint-Cyr viennent de faire au camp de Châlons une série d’ex périences décisives à ce sujet. C’est par le chiffre prodigieux de 98 balles sur cent dans la cible que s’est résumé leur tir de campagne, à quatre cents mètres; et à deux cents mètres ils ont atteint la pro portion merveilleuse de 70 pour cent pour les balles logées dans le petit cercle. Le bruit avait couru que la balle, for mée de deux métaux, — du plomb coulé dans du maillecliort, — se désorganisait quelquefois, durant le tir; mais quand on a voulu connaître la proportion exacte de ces mauvais tirs, les généraux commandants, notamment dans la région de l’Est, et tous les officiers de polygone ont cité des chiffres tellement faibles qu’on peut ne tenir aucun compte d’une défectuosité insignifiante. Nous avons sous les yeux, en écrivant cet article, des balles tirées à huit ou neuf cents mètres, à mille mètres même, sur des panneaux épais qu’elles ont traversés de part en part. Ces balles lie sont pas déformées le moins du monde. Elles ont gardé l’apparence d’un bijou argenté, d’un cylindre trou conique légèrement aplati à la pointe. A peine, sur la partie cylindrique, devine-t-on les traces de la rayure de l’arme, traces que l’extrême élasticité du métal a déjà en partie ef facées. Avec un fusil comme celui-là, qui s’é chauffe à peine, dont la cartouche est lé gère, dont la détonation ne produit qu’un faible bruit et ne donne presque pas de fumée, dont le recul est insensible, nous possédons véritablement une arme in comparable, et la fabrication, active ment poussée, permet d’espérer qu’avant la fin de l’année les deux tiers au moins de notre effectif en seront pourvus....