Extrait du journal

Ajaccio, 10 mai 1884. Von s pensiez sans doute, à Paris, qu’il était temps d’en finir avec cette affaire Saint-Elme, si bruyamment exploitée par certains échauffés. C’était aussi notre avis, à Ajaccio, et il nous tardait qu’on sût, enfin, à quoi s’en tenir sur ce drame si considérablement augmenté. Aussi la foule était-elle grande aujourd’hui au Palais de Justice. On devait juger les agresseurs de Saint-Elme, les «acteurs de la scène du 13 janvier ; on allait enfin savoir pourquoi ils n’avaient pas été ju gés jusqu’ici, on allait pouvoir deman der des comptes au parquet ; c’était le jour des grandes explications; on se fou lait dans la salle d'audience, on était tout oreilles !... Le coup du théâtre a été complet. L’a vocat de la partie civile, le représentant de Mme veuve Saint-Elme se lève et de mande le renvoi à un mois. Motif : il veut produire des docteurs qui établi ront, contrairement à l’autopsie, que Saint-Elme est mort des suites des coups qu’il a reçus le 13 janvier. Notez que cet avocat est ce Ceccaldi qui fut, en Corse, le cornac de MM. Laguerre et Luisant, qui se donnait, il y a un mois encore, pour un fougueux intransigeant, et qui, l’autre jour, s’est fait piteusement re morquer au Conseil municipal par la liste bonapartiste. Cet avocat, quand il parade sur le cours d’Ajaccio, est de ceux qui protestent le plus énergique ment contre les lenteurs du parquet, de ceux qui se montrent le plus pressés de venger Saint-Elme. C’était bien le moins que ce foudre de guerre fût armé de toutes pièces : on s’attendait à ce qu’il vînt à l’audience avec un dossier bondé....