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Paris, 30 août 1893

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Paris
30 août 1893


Extrait du journal

ment des personnes, mais ceux qui tien nent à la nature même des choses. Pour la nature même des choses. Pour la cir constance, les personnes et les choses s’étaient fait un caractère accommodant qui ne gênait pas la course échevelée du discours. Il y a longtemps que le Dupont d’Al fred de Musset a dit : Et le monde rasé, sans barbe ni cheveux, Comme un grand potiron roulera dans les | cieux. L’orateur arpentait désormais l’estrade, d’un pas aussi libre qu’il aurait arpenté le monde rasé. Il allait, venait, jouait des bras dans le vide, montrait le bonheur. Et ce n’était pas un rêve comme le bon heur que la main n’atteint pas. Il n’y avait qu’à étendre la main. Voyez comme pendant des siècles on ne pense pas aux choses les plus simples. Mon voisin,qui paraissait comprendre, me dit ; Ah! monsieur, je vous assure que c’est un homme de tête. Comme ce cri d’admiration valait une politesse, je demandai : — Et qu’est-ce qu’il fait cet homme de tête? — II est coiffeur. J’allais redire le vers de Musset : Et le monde rasé quand un électeur demanda à poser une question. — Le citoyen Chauvin voudrait-il nous dire ce qu’il pense du partage des béné fices et comment il le pratique avec ses o uvriers ? Car il faut vous dire, — je l’ai su après — que ce candidat ouvrier occupe des ouvriers. C’est alors que commença sur le tou du monologue de Figaro un récit tumul tueux et pressé dont je ne pus saisir que quelques bribes : — Oui, citoyens, j’étais coiffeur de la Comédie-Française. Dans la banlieue ces choses-là n’exci tent aucun sourire. Moi, je vis défiler dans cette déclaration simple et ingénue tous les personnages du répertoire clas sique et du répertoire moderne, les per ruques du Malade imaginaire fieu édifices capillaires, les pièces montées que se mettent sur la tête les rois et les reines de tragédie pareils à des chevaux de cor billard. A la fin, il était bien difficile de ne point penser à Figaro lui-même quand il raconte qu’il a fait tous les métiers connus de son temps. Cent ans plus lard Beaumarchais n’aurait pas manqué d’a jouter ; enfin, j’essayai de faire des lois pour les hommes et je me présentai comme candidat ouvrier... Il ne faut pas se hâter d’en rire. Le rasoir se promenait avec un entrain du diable sur l’assemblée dont les têtes avaient l’attitude résignée qu’on voit aux clients chez les perruquiers. Et de temps à autre le Figaro-ouvrier, avec un geste où se retrouve la diathèse machinale de la profession, remontait jusqu’au coude les manches de sa veste et ouvrait toutes larges ses mains. Ce qu’il y a de curieux,c’est qu’il ne dit pas : — Un schampoing?... Un Portugal?... Pas une fois la langue ne lui fourcha....

À propos

Fondé en 1881 par Charles Laurent, Paris fut d'abord un quotidien gambettiste, avant de devenir tout simplement opportuniste. En 1888, le journal attaque avec violence le Crédit Foncier, lequel le rachète immédiatement dans le seul but de le faire taire. À la suite de quoi le directeur du journal démissionne, pour fonder Le Jour. Le nouveau directeur Raoul Cavinet, d'une moralité douteuse, sera impliqué dans les années qui suivent dans plusieurs affaires de chantage et de fraude. Il abandonnera son poste, et le titre avec lui, en 1895.

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