Extrait du journal
/ i ,; il z2 . Diderot prMtîla'tfn jour à scs bons amis 1rs encycl.dédisses, réunis chez h1 baron d’Holbach, un abbé, le curé de Mont-Chauvet en Normandie. Il en avait fait la rencontre au Luxembourg; et l’abbé tout d’abord avait proposé au philosophe (h* lui lire un madrigal de sa façon, —le madrigal avait sept cents vers : — « M. l'abbé, s'écrie Diderot, vous êtes coupable de consacrer à de si misérables sujets les facultés éminentes dont Dieu vous adoré. Laissez voire madrigal et laides une tragédie. » Quinze jours après, la tragédie était faite, et Diderot, qui n'était pas égoïste, régalait ses amis d'une conférence d'un nouveau genre. L'abbé s'assied, promène ses regards sur la société. Il ne rencontre (pie des visages riants; cela l'encourage. Seul, dans un coin, Rousseau, spis flaire une mystification, a l'air rébarbatif et maussade. Voilà l’ennemi, se dit l’abbé. — Il tire son manuscrit. Mais il doit d’abord exposer en deux mots sa théorie du poème dramatique : Pierre Corneille l'a fait, et il est compatriote de Pierre Corneille.—Théorie bien simple. Dans une comédie, il s'agit d'un mariage, dans nue tragédie, il s’agit d'un meurtre. — Premier acte : on épouse et l'on lue; deuxième acte : on n'épouse pas, on m* lue pas; troisième acte : un nouveau moyen se présente d'épouser et de tuer; quatrième acte : un obstacle s'oppose à ce qu'on épouse et qu’on tue ; cinquième acte : enfin de guerre lasse, on épouse et l’on tue. » — La tragédie était digne de la théorie. On applaudit, on le comble de compliments que sa vanité absorbe avec intrépidité. Il est arrivé au troisième acte. L’enthousiasme des philosophes ne se possède plus; tout à coup Rousseau se lève, se précipite vers le lecteur, lui arrache Su|i manuscrit qu’il jette par terre, et lui dit : « Votre tragédie est absurde, ces messieurs se moquent de vous. Retournez vicier dans votre village.» L'abbé fond sur Rousseau, il est tout prêt à en venir au meurtre tragique; on les sépare à grand’peine; ils sortent tous deux exaspérés. A partir de ce jour « Rousseau, dit d’Holbach, hc mil plus le pied chez moi»....
À propos
La Revue des cours littéraires de la France et de l’étranger, dite « revue bleue », est une revue hebdomadaire ayant paru entre 1863 et 1870. Elle est l’équivalent littéraire de la Revue des cours scientifiques de la France et de l’étranger, dite « revue rose », fondé quasiment en même temps. D’obédience républicaine, on y trouve principalement des textes écrits par des universitaires. La publication cesse de paraître à la chute du Second Empire, mais renaît en 1871 sous le titre de Revue politique et littéraire.
En savoir plus Données de classification - rousseau
- holbach
- diderot
- pierre corneille
- fénelon
- galiani
- france
- normandie
- luxembourg
- montchauvet
- sorbonne