Extrait du journal
LE soir de la Sainte-Catherine, sur les boulevards, il est de tradition qu’on adresse des saluts et des sourires aux tilles coiffées du bonnet, et nous n allons раз, nous qui aimons les traditions, nous élever contre celle-là ; mais cette annexe les choses ont été un peu loin. Des quantités d’individus de mine louche, par grappes de huit ou dix, ont déambulé toute la nuit sur les trottoirs, accrochant au passage les jeunes filles et les jeunes femmes et les embrassant. 11 y eut plusieurs scènes vives, et les témoins eurent 1 impression que Paris appartenait ce soir-là aux voyous. Le cœur se serre, quand on pense à ce qui nous attend tous, si l’Etat, devenu maître de tout, continue à encourager les pires individus à s’étaler sur la place publique. Déjà la France cesse d'être une maison aimable. La mauvaise humeur organisée a fait de nos rues de mauvais lieux où cochers et chauffeurs ont à tout moment l injure à la bouche. Si vous hélez un taxi ou un autobus, le conducteur, qui n’est pas libre ou ne veut pas de vous, se garde de vous faire le signe poli qui, vous éclairant sur votre sort, vous inciterait à la résignation. Il file narquois sans paraître vous avoir aperçu. Aux arrêts facultatifs, si une femme, être faible, est seule à lever le bras, le chauffeur, dont la voiture est à moitié vide, passe à fond de train, en rigolant. Pour se consoler des longues attentes, on a la ressource de regarder les murs, couverts d’affiches ignobles, annonçant des spectacles aux titres dégoûtants. Autrefois on pouvait au moins regarder les badauds paisibles et, parmi eux, les bonnes d’enfants et les soldats. Il n'y a plus dans les rues de gens paisibles, mais de pauvres agités que hante l’angoisse du lendemain, que pressent les soucis et que la fatigue accable. quant aux bonnes d enfants, c’est une espèce morte, et c’est peut-être tant mieux pour les bébés qui sont maintenant aux mains de leurs mères, comme on voit, au marché ou chez l’épicier, les filets à provisions aux mains de vieux messieurs décorés. Il y a bien les soldats, mais qui ne donnent pas un beau spectacle. La tenue de nos enfants aux armées est navrante. Pour nous sans doute, qui n’avons aucun plaisir à voir nos fils dans des habits malpropres qui leur donnent des airs de manoeuvres débraillés ou de forçats. Pour la France ensuite, qui voudrait être fière de son armée. Pour eux-mêmes enfin, qui sont toujours, même ceux d’aujourd’hui, les soldats de Verdun, et...
Données de classification - albert
- france
- paris
- verdun
- jeunes femmes
- parlement