Extrait du journal

La charité est aujourd’hui une vertu à la mode et adulée. Tout le monde la préconise : poètes, hommes d’État, hommes du monde; dépouillés du privilège de la prêcher, les prêtres se dédommagent quelquefois en se faisant novateurs, utopistes, presque démagogues, pour ne pas rester en arrière de quelquesuns de ses prôneurs. Beaucoup de personnes réduiraient volontiers toute la politique à cette vertu; pour elles, il ne s’agit plus de savoir si la France reprendra son rang dans le monde, si elle réussira à se rouvrir le marché européen ; la France, à leurs yeux, ne se compose plus de diverses classes ayant toutes droit à la protection du gouvernement; pour elles, il n’y a plus qu’une classe digne d’intérêt, les pauvres; il n’y a plus qu’une question, le paupérisme. Pour d’autres, la religion elle-même se réduit à la charité : jadis au précepte de s’aimer les uns les autres on ajoutait immédiatement celui d’être modeste, désintéressé, chaste; aujourd’hui on admettrait sans trop de peine que Dieu n’aura pas le mauvais goût de nous interroger sur la pratique de vertus surannées; il suffira, pour entrer au paradis, d’avoir beaucoup donné. En un mot, la charité est la reine du jour....