Extrait du journal

Ita Relève Il est 5 tic lires du soir; il a plu toute la journée sur Y près et la nuit est tombée prosquesansqu’ons’en aperçoive. Maintenant, l’ombre et la pluie noient dans leur double tritessc les rues désertes et les quartiers en ruines de la ville qui meurt... La soupe mangée, les hommes ont quitté les collèges, les couvents, les maisons de santé, les prisons dont les grandes salles froides aux vitres brisées leur font un abri trop triste. Les sacs sont prêts, ils gisent sur la paille des cantonnements; la laine de peaux de moutons où s'accrochent quelques fétus les fait res sembler à des bûtes fantastiques. Et avant le départ vers les bois mornes, les champs désolés où la mort se joue, chassant la vision du fossé boueux où les nuits s’éternisent, par petits groupes, ils vont pour jouir de l’heure qu’oIlVe encore une lampe aux clartés douces, un foyer qui réchauffe et le vin qui fait oublier : ... la porte do l’estaminet se referme sur eux... Mais l’heure du rassemblement est venue; les com pagnies se forment, les crosses martèlent le pavé de la rue, c’est un brouhaha qui anime les carrefours sombres : « Sac au dos ! » la lourde malle est chargée en un geste fatidique sur les reins qui ploient. « En avant ! » et la colonne s’ébranle lentement. — Les dernières lumières de la ville disparaissent bientôt; la grande route d’Ypres à Menin, balayée par les raiïales, i amène les endroits connus, les points repérés ; c’est la chapelle du passage à niveau qu’un obus a éventrée il y a peu de temps; c’est Ilonge avec son remue-ménage et ses odeurs de cuisines et d’infir-...