L'insaisissable vampire de Düsseldorf (2/2)
Arrêté en mai 1930, le tueur en série qui terrorisa l'Allemagne avoua 80 meurtres. Il fut reconnu coupable pour neuf d'entre eux.
Mai 1930. Voilà presque une année que le vampire de Düsseldorf, auteur de multiples meurtres et viols, demeure insaisissable et sème la panique dans cette ville de l'Ouest de l'Allemagne. Mais le 24, un certain Peter Kuerten, fortement soupçonné d'être l'assassin, est arrêté par la police.
Le Matin du 26 relate les circonstances de l'arrestation : dans la nuit du 14, une jeune bonne est agressée par un homme qui tente l'emmener dans un bosquet. Un inconnu surgit, fait fuir l'intrus et propose à la bonne de l'emmener chez lui afin d'éviter "toute autre rencontre fâcheuse". Mais une fois dans la chambre de l'inconnu, la bonne dit vouloir s'en aller.
"– Dans ce cas, lui dit son-compagnon, je vous accompagnerai jusqu'au foyer, car vous savez que Düsseldorf n'est pas sûr du tout.
Quelques instants après, tous deux quittaient la maison et s'engageaient dans la forêt du Grasenberg.
Soudain, la jeune bonne était saisie violemment au cou, jetée par terre, et l'homme la violenta.
A la suite de ce récit, il fut facile à la police criminelle de retrouver la maison où la victime avait été entraînée par son compagnon, et c'est ainsi que fut établie l'identité de Pierre Kuerten."
Par la suite, la victime raconta par lettre son agression à une amie. Mais l'adresse étant mal inscrite, la lettre arriva à la police et la mit sur la bonne piste. Peter Kuerten reconnaît avoir commis dix meurtres et onze viols, comme le raconte Le Petit Parisien du 26. Ses victimes le reconnaissent. L'homme, né à Cologne et âgé de 46 ans, est bel et bien le tueur en série.
Le Journal du 28 dresse sa biographie. Meurtrier, violeur, pyromane, cambrioleur, c'est celle d'un monstre sadique, un nouveau Landru qui passa sa vie à abuser des jeunes femmes. En 1913, apprend-on, il fut déjà condamné à huit ans de réclusion pour le meurtre d'une jeune fille. Concernant ses crimes plus récents, qui défrayèrent la chronique entre 1929 et 1930, Kuerten raconte tous les détails :
"Quand on l'interroge au sujet de l'assassinat de Gertrude Aldermann, Kuerten conclut :
« Non, Je n'ai pas de remords. Je ne crois pas qu'elle ait souffert ; elle était probablement morte quand je l'ai frappée avec mes ciseaux. »
Kuerten avait étranglé l'enfant avant de lui plonger ses ciseaux dans la gorge. Il affirme que ses crimes ne lui procuraient aucune satisfaction spéciale.
« Je devrais vous entretenir pendant des heures, ajoute-t-il, si je voulais vous exposer les motifs qui m'ont poussé à tuer. Je voulais me venger ; le sang devait couler, parce que j'avais été moi-même maltraité et torturé trop longtemps. »"
Le procès s'ouvre en avril 1931. Kuerten continue de livrer des anecdotes horribles, racontant comment, à huit ans, il noya deux enfants. La liste des meurtres qu'il confesse en cesse de s'allonger. La presse, qui couvre chaque audience, ne rate pas une miette des déclarations atroces de l'accusé. Celui-ci explique dans quel état le plongeait ses assassinats :
"- C'était toujours la même chose pendant mes crises, il me fallait du sang. J'avais besoin de tuer. Je me serais attaqué aussi bien à un animal qu'à un homme, une femme ou un enfant. Plus mes victimes criaient de douleur ou de frayeur, plus elles perdaient de sang, plus cela me mettait dans un état spécial. Il en était de même quand j'avais allumé un incendie. La vue des habitants qui s'enfuyaient en hurlant de terreur ou de désespoir exerçait sur mon être un effet extatique très particulier, et je n'hésitais jamais, en pareille circonstance, à me mêler aux femmes qui criaient et pleuraient."
En tout, il déclare avoir tué 80 personnes, un chiffre probabelment exagéré. Son avocat plaide la démence, mais selon les experts psychiatriques, Kuerten n'était pas fou et connaissait parfaitement la différence entre le bien et le mal. L'accusation retient contre lui neuf meurtres et sept tentatives de meurtres. Jugé coupable et condamné à mort (neuf fois, une pour chaque meurtre), il est guillotiné le 2 juillet 1931 à Cologne.