L'accord secret qui décida du sort du Proche-Orient
Il y a 100 ans exactement, la France et le Royaume-Uni concluaient les accords Sykes-Picot, dont les effets se font encore sentir aujourd'hui.
Le 16 mai 1916 est une date cruciale dans l'histoire du Proche-Orient. Pourtant, bien malin qui aurait pu le prédire à l'époque... Et pour cause : les accords Sykes-Picot, signés ce jour-là entre la France et le Royaume-Uni après des mois de négociations, sont restés secrets jusqu'en novembre 1917.
Nous sommes en pleine Première Guerre mondiale : suite à l'entrée en guerre de l'Empire ottoman, le Britannique sir Mark Sykes et le Français François Georges-Picot négocient un traité prévoyant le démantèlement de celui-ci et le partage du monde arabe entre les deux puissances occidentales, une fois le conflit terminé. Aux Français le Liban, la Syrie et la région de Mossoul. Aux Britanniques l'Irak, la Palestine et la Transjordanie.
Lorsqu'il est révélé par les bolcheviks en novembre 1917, l'accord franco-anglais provoque la colère des Arabes : en effet, il a beau se vouloir « transitoire », il fait fi de tout droit des peuples à l'autodétermination et ne tient aucun compte des réalités ethniques et religieuses de la région.
En France, l'écho est quasi-nul fin 1917 : la guerre n'est pas finie et il y a plus pressant. Le Temps, s'inscrivant dans la lignée du gouvernement français, écrit pourtant le 12 décembre :
"Il est impossible que les Libanais, que les populations arabes de la Syrie, que les Arméniens de la Cilicie et des régions voisines restent soumis au régime turc qui les affamés, persécutés ou massacrés. II est nécessaire qu’un peuple occidental, aimé en Orient et aimant l’Orient, leur serve d'arbitre et d’éducateur. Tel est le rôle que notre opinion publique souhaite pour notre pays. Il est conforme aux vœux des populations. Il est exempt de tout impérialisme ; c'est une raison pour que nous soyons attachés au programme qui a été tracé par la France, et pour que nous comptions fermement sur sa réalisation."
Après la guerre, les revendications arabes sont ignorées et le traité, entériné par un mandat de la Société des Nations à la conférence de San Remo en 1920, est appliqué. La carte du Proche-Orient sera ainsi dessinée pour le siècle à venir, jusqu'aux récents Printemps arabes. À noter que l’État islamique, dont l'avancée a en partie aboli la frontière irako-syrienne (dessinée par la France et le Royaume-Uni), se revendique comme une puissance panarabe révisionniste des accords Sykes-Picot.