"Ils n’en peuvent plus, les vieux"
En 1938, L’Humanité se fait l’écho de la misère et des souffrances des travailleurs les plus âgés.
À la veille de la Seconde Guerre mondiale, le droit à la retraite n'est pas encore effectif en France et le vote de la "retraite des vieux", comme on le dit alors, est sans cesse repoussé malgré les efforts répétés du Parti communiste, les fausses promesses et la campagne menée sans relâche par le quotidien L'Humanité.
En septembre, le journal publie des extraits de lettres de travailleurs âgés, reçues par dizaines à la rédaction.
Dans l'une d'elle, venue d'une "petite ville des Vosges qui compte plusieurs usines", on peut lire :
"Je suis âgé de 72 ans et ma femme de 65 et nous sommes encore obligés de travailler pour avoir du pain et il faut bien d'autres choses dans la vie. Ma femme n'en peut plus d'avoir mal aux jambes et sera obligée de s'arrêter pour ne pas tomber entre ses métiers. Nous travaillons dans les usines depuis l'âge de treize ans et on n'est pas plus avancé qu’au premier jour, y ayant élevé cinq enfants, dont deux qui ont fait la campagne de guerre."
Dans une autre, envoyée de la banlieue parisienne :
"Je suis artisan cordonnier, j'ai 70 ans. J'ai lutté toute ma vie, ma seule fortune sont mes outils, qui m'aident à travailler. Mes forces déclinent. Je ne peux plus, mes bras sont bien fatigués."
L'Humanité commente :
"Ils ne sont pas exigeants, et leur « matérialisme sordide » se résume à ceci :
Après 60 ans de travail, que l'on ne nous laisse pas succomber de fatigue entre deux métiers à tisser, que l’on nous accorde le pain de nos vieux jours.
Et des jeunes, des chômeurs, dont le nombre augmente sans cesse, n'attendent que leur départ pour travailler eux aussi. N'est-ce pas un scandale, devant ces faits qui se renouvellent à des dizaines de milliers d'exemples, que la retraite aux vieux ne soit pas encore votée ?"