Généalogie

Reconstituez l'histoire de votre famille grâce à RetroNews !

le 12/03/2024 par Tony Neulat
le 12/03/2024 par Tony Neulat - modifié le 12/03/2024

Les occasions, pour nos ancêtres, d’être mentionnés dans la presse sont innombrables. Un heureux évènement ou un deuil, un prix ou une condamnation, une promotion ou une vente, constituent autant d’opportunités de découvrir quelques lignes sur un aïeul dans le journal… et autant d’éléments pour reconstituer l’histoire familiale.

Poursuivons notre enquête sur la famille Jaumon, implantée en Algérie aux XIXe et XXe siècles, pour illustrer notre propos. Comme nous avons pu le constater dans l’épisode précédent, nous avons déjà eu la chance de découvrir une multitude d’informations sur la vie de certains membres de cette famille (Emile, Marius et Louis). Ces découvertes nous ont permis de compléter et nourrir l’arbre généalogique initial de nombreux renseignements biographiques (en bleu).

Grâce à L’Écho d’Alger, la forte implication locale de Marius et Emile, ainsi que l’ascension professionnelle de Louis, nous sont apparues en filigrane. Néanmoins, la presse locale n’a pas encore livré tous ses secrets…

En particulier, une annonce de vente, parue le 26 octobre 1920 dans le même journal, nous brosse un fabuleux tableau de la composition de la famille :

Y sont cités Marius, ses trois enfants vivants, sa bru, ses trois petits-enfants et son frère décédé, avec, pour chacun d’eux, l’indication de leur profession, de leur adresse précise, voire de l’identité de leur conjoint pour les femmes. Nous y découvrons en outre que Marius et ses enfants acquièrent, pour un quart chacun, une charmante villa avec vue sur la mer :

« Une maison située à Saint-Eugène, rue Frédéric, n° 11, construite en pierres et couverte de tuiles, comprenant un rez-de-chaussée, formant un logement de trois pièces, cuisine, chambre de domestique, cabinets d’aisances, cour buanderie, une grande cour où existent des arbres fruitiers, un premier étage auquel on accède par la rue Anna formant un logement de quatre pièces, cabinet de toilette, cuisine, buanderie, cabinets d’aisance, une véranda vitrée, un grand balcon ayant vue sur la mer. »

À la lecture de l’avis, quelques détails attirent notre attention :

  • L’oncle Émile et sa femme faisaient partie des propriétaires du bien.
  • Ils résidaient au 11 rue Frédéric (ce qui est confirmé par le faire-part de décès du 12 décembre 1917)
  • Le neveu Émile est indiqué demeurant à la même adresse.

Il est donc fort probable que nous ayons sous les yeux la description de la maison de l’oncle Émile puis du neveu du même nom. À la mort de la veuve de l’oncle Émile, le 24 janvier 1920, les différents héritiers rachètent ainsi la maison et c’est le neveu homonyme qui s’y installe avec sa famille.

Par ailleurs, des annonces précédentes, parues dans L’Écho d’Alger les 30 mai, 2 juin et 5 juin 1920, font également référence à la « licitation Jaumon ». Il y est question de la vente aux enchères d’une maison située à Saint-Eugène, rue Frédéric n°2. Elle est mise à prix pour 30 000 francs (ce qui correspond aujourd’hui à une somme à peu près équivalente en euros d’après le convertisseur franc-euro de l’Insee). S’agit-il de la même maison ? Même si l’adresse diverge, on peut raisonnablement le penser car la description de la maison concorde et la superficie du terrain est quasiment identique.

Poursuivons notre enquête et intéressons-nous davantage au neveu Émile. L’Écho d’Alger nous comble de nouveau de ses bienfaits. Nous y découvrons notamment :

  • Son mariage en juillet 1914 avec Henriette Fournier (annonce parue le 12 juillet), qui se nomme en réalité Henriette Ernestine Émilie Paumier d’après les publications officielles des mariages du 1er août 1914, 11 juin 1924 et 16 juillet 1924. L’article du 11 juin 1924 nous révèle, ce faisant, qu’il réside désormais rue du Puits à Saint-Eugène.
  • Ses couleurs politiques comme l’atteste son rôle d’assesseur de l'Union des républicains de gauche de Saint-Eugène (article du 18 janvier 1925). 
  • Ses goûts musicaux à travers son implication dans la société Alger-Tourist, qualifiée de « société d’excursions, de propagande et musicale philharmonique d’Alger-centre », tantôt comme porte-drapeau, tantôt comme adjoint de la philharmonique, tantôt comme conseiller technique (L’Écho d’Alger du 19 octobre 1925, du 17 janvier 1928, du 28 mars 1929 et du 19 janvier 1931) ainsi que comme porte-drapeau de la Fédération musicale de l'Afrique du Nord (L’Écho d’Alger du 20 janvier 1930).
  • Sa nomination en tant qu’officier d’Académie en 1932, alors qu’il est aide-bibliothécaire de la ville d’Alger (L’Écho d’Alger du 7 avril 1932).
  • Deux faits divers le concernant : l’explosion d’une lampe à alcool en plein visage, alors qu’il préparait le petit-déjeuner de ses enfants (L’Écho d’Alger du 27 mars 1924 et le vol dans son portefeuille d’une somme de 139,80 francs (L’Écho d’Alger du 4 août 1927).

Aussi formidable que soit cette récolte, n’en restons pas là et tournons notre attention vers la famille d’Henri, le frère d’Émile et de Louis. D’après l’annonce de 1920, il est décédé et sa veuve, Lucie Marie Bruno s’est remariée avec Roger Seilhan. De brèves recherches sur les noms « Jaumon » et « Seilhan » dans L’Écho d’Alger permettent d’en apprendre davantage sur ce couple et les enfants Jaumon :

  • La veuve Jaumon se remarie en janvier 1913 d’après les publications de mariages de L’Écho d’Alger du 5 janvier 1913 : « Seilhan Roger, mécanicien des télégraphes, et Bruno Lucie ».
  • Elle décède le 22 mai 1932, à l’âge de 56 ans, d’après son avis de décès publié dans L’Écho d’Alger du 24 mai 1932.
  • Son second mari la rejoint le 4 novembre 1941 d’après son faire-part de décès paru dans le même journal le 6 novembre 1941. Nous relevons au passage l’adresse indiquée – 16 rue Levacher – laquelle correspond au domicile indiqué dans l’annonce de 1920.
  • Ce détail nous permet de confirmer que la veuve Jaumon tenait un café à Alger en 1912 d’après un fait divers relaté dans L’Écho d’Alger du 22 août 1912.
  • La mairie, lors de sa séance du 31 mai 1912, vote un secours de 100 francs en sa faveur (L’Écho d’Alger du 1er juin 1912).
  • Sa fille Simone se marie en juin 1929 avec Antoine Colonna, directeur commercial (numéro du 12 juin 1929).
  • Son fils Gilbert décède, à 20 ans seulement, le 21 mai 1922. Son avis de décès, publié dans L’Écho d’Alger du 22 mai 1912 offre de nouveau un précieux panorama des familles Jaumon et Bruno.
  • Enfin, 6 lignes de L’Écho d’Alger du 15 juillet 1921 nous révèlent un triste pan de la vie de Gilbert, lequel explique peut-être son décès prématuré quelques mois plus tard :

Nous pourrions enfin nous intéresser à la dernière fille de Marius, Aimée Clémence épouse Ohlicher, et ainsi découvrir qu’ils ont eu au moins deux enfants, Henri en 1912 et Lucienne Marie en 1915, mais concluons plutôt cette enquête avec Gabriel Jaumon, le fils de Louis.

Une nouvelle fois, la presse fait preuve de largesses. Elle nous donne à voir de nombreuses bribes de la vie de Gabriel, que ce soit au niveau sportif, professionnel, familial ou associatif :

  • En 1913, à 20 ans, il est classé second de la deuxième section des pupilles de gymnastique (L’Écho d’Alger du 11 juin 1913).
  • Nous ne retrouvons sa trace que 15 ans plus tard, à Kerrata (actuelle Kherrata). Il est alors « le dévoué agent des tabacs » qui contribue à l’organisation des fêtes annuelles de la ville (L’Écho d’Alger du 18 août 1928. Fêtes au cours desquelles sa femme gagne le concours de tir à la carabine (L’Écho d’Alger du 17 septembre 1928), et ce, bien qu’elle soit enceinte…
  • En effet, elle donne naissance à une petite fille 7 mois plus tard, en mai 1929 (L’Écho d’Alger du 6 mai 1929) : « Une mignonne fillette a fait son apparition chez M. Jaumon, adjoint de section des tabacs à Kerrata. »
  • L’année suivante, Gabriel ne ménage à nouveau ni son temps ni sa peine dans l’organisation des fêtes annuelles de Kerrata (L’Écho d’Alger du 23 septembre 1930).
  • Son soutien sera regretté car il est muté quelques mois plus tard à Fondouk (actuelle Khemis El Khechna) comme l’attestent les numéros du 29 décembre 1930 et du 22 janvier 1931.
  • Il se voit décerner, en 1938, la médaille militaire avec traitement pour faits de guerre (L’Écho d’Alger du 4 février 1938). Il a en effet combattu pendant la Grande Guerre en tant que soldat dans l’infanterie (L’Écho d’Alger du 19 juillet 1937 et du 26 janvier 1938.
  • Fait remarquable, il est cité une seconde fois dans le même journal du 4 février 1938. En effet, une brève annonce sa promotion et sa mutation comme chef de section dans le service des tabacs à Biskra.
  • Enfin, L’Écho d’Alger du 25 janvier 1944 nous informe du mariage de son fils Marcel avec Lucienne Mingual.

    Enchantés par cette abondante récolte, achevons cette enquête en deux volets relative à la famille Jaumon d’Algérie. Grâce à la presse ancienne en ligne et indexée sur RetroNews, nous avons pu partager ses joies et ses peines à l’occasion des fêtes annuelles et des condamnations, des naissances tant attendues et des décès prématurés, des décorations et des « punch » de départ. Nous avons suivi une famille au fil des générations, au gré de ses mutations et de ses déménagements, de fait marquant en fait marquant. Nous avons retracé les carrières des uns, découvert les délits des autres, constaté l’implication locale de tous. Par le truchement de quelques mots-clés dans un moteur de recherche, nous avons ainsi merveilleusement étoffé notre arbre généalogique d’une multitude d’éléments biographiques (en bleu). Bref, comme par magie, nous avons exhumé des morts et esquissé des vies.

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Passionné de généalogie depuis l’âge de douze ans, Tony Neulat est rédacteur dans La Revue française de généalogie et membre de la European Academy of Genealogy. Il partage, depuis 2009, son expérience et ses conseils à travers ses publications et ses formations. Il est également auteur des guides Gallica et RetroNews : deux eldorados généalogiquesRetrouver ses ancêtres à Malte et Trouver des cousins inconnus ou perdus de vue.