Extrait du journal

Mille souvenirs se lèvent en moi ce soip, comme une volée de moineaux dans les cours désertes du lycée, quand on approchait dfe la corbeille à pain. Je- revois mes camarades avec leurs figures d'enfance, que je viens de retrouver sous leurs visages d'hommes, et qui pour moi sont presque plus vraies que ces visages trop récents; je revois aussi et surtout les morts, d'abord, ceux qui nous ont quittés tout jeunes, quelques-uns mêmes, très rares heureusement, pendant nos classes; c'est ainsi que je veux envoyer, par delà trente-cinq ans, un souvenir à Ponscarme, l'un des-fils du célèbre graveur, qui est mort d'une fièvre typhoïde pendant notre année de cinquième;. Ponscarme, imbattable en histoire, qui eût peut-être été 'm grand historien, et dont la mort, la premit e qui frappât sur nous, nous avait donné un ch c nerveux que je n'ai pas encore oublié. Et "je r«£ vois surtout les morts de la guerre, tous ces hommes qui, à travers les embûches innombrables du destin, avaiênt atteint la moitié de la vie, et qui semblaient pouvoir compter sur l'autre moitié, et qu'un trait de plume d'un empereur allemand dans un palais de Berlin a biffés de l'existence!...