Extrait du journal

J'ai gardé le souvenir d'une morgue maquillée, avec l'artiste (posticheur et coiffeur), le peigne derrière l'oreille et petits fers aux doigts, frisant la tête à ses macchabées. Moi-même, j'étais là, regardant ce lourd sommeil stupide des morts sur lesquels planait son geste adulateur et flairant cette pestilence chaude et ces poivres de gibier mûr où s'insinuait une fleur de poudre à la maréchale",,",de white-rose, de cuir de Russie selon les sexes et le goût particulier des clients. C'était par files, par tas, assis, couchés, parfois debout presque, avec leurs faces pochonnées, talées, truffées, fardées, aux écrasis de fruits blets, comme la troupe au complet d'une tournée de théâtre ou de cirque, têtes agiles de clowns, masques mornes d'Augustes, groins grimaçants de comiques, minois chavirés de grandes coquettes, louchonneries mièvres d'ingénues. Mme la Mort en personne, une vieille tocasson ridicule à panache de cheval de corbillard et ficelée dans son drap de catafalque étoilé de larmes d'argent, présidait à la toilette de ses pensionnaires. Je ne voyais que son dos, avec une main qui faisait signe, quand une petite mousse verte leur venait sous le nez ou que la peau mollissait, un peu trop faisandée. Ah!...