Extrait du journal

ne croyait plus guère au désintéressement d'autrui, elle déclarait que seul le succès attire les gens, et que proclamer sa pauvreté, c'est se précipiter à la misère. Pourtant, une extraordinaire résistance morale la dressait toute. Que l'image d'un beau projet, d'une activité neuve s'offrît à ses yeux, aussitôt sa voix se raffermissait et son regard jetait une lumière magnifiquement jeune. Travailler! travailler! ainsi qu'elle s'écriait avec ardeur, là était le salut. D'habitude elle cachait ses maux. Mais le besoin de dire vrai la trahissait souvent, et un jour que je lui rappelais son aveu qu'en 1921, à Turin et Milan, elle n'avait pas souffert de son asthme grâce à la joie de son travail: « Je l'ai dit, répliqua-telle en souriant avec tristesse, je l'ai dit pour me persuader. Mais, ce n'est pas vrai! J'ai bien souffert. » Mais, travailler! Là était le devoir. La santé venait après, ou plutôt la santé c'était cela même. A Merano, à l'heure où je connaissais l'incomparable joie de lui voir entourer de sa ferveur le drame que j'écrivais à côté d'elle: « Je me suis accrochée à l'idée de monter cette pièce, affirmait-elle fébrilement. Si je le puis, je suis sauvée. Je veux travailler, travailler. A auoi sert de se soigner? Il faut aller, aller jusqu'à n'en plus pouvoir! Et après. »...