Extrait du journal

— Tiens, qu’a donc celle demoiselle ? s’écria la vieille dame étonnée. Si jeune, et avoir déjà du chagrin ! Lucie prit sa tante par le bras et l’a mena de l’autre côté du marche, elle se retourna encore une fois et vit que Félicité lui demandait le silence. Lucie la rassura par un signe et disparut avec sa tante. La fille de M. Verboord continua sa route à pas chancelants et tout absorbée dans ses tristes réflexions. Elle ne savait que croire ; elle craignait d’ajouter foi à la révélation qu’on venait de lui taire ; mais la lumière descendit peu à peu dans son esprit ; et, lorsqu’elle entra dans l’église, elle sentit que scs larmes débordaient. La sainteté du lieu lui prêta cependant la force de surmooter les signes extérieurs de son émotion. Elle s’agenouilla sur une chaise, ouvrit son livre de messe et s’efforça du prier. Mais, quelque effort qu’elle fît pour éle ver ses pensées vers le ciel, elle ne pouvait s’empêcher de songer à ce que Lucie lui avait dit. De temps en temps le tintement de la sonnette à l’autel la tirait de ses rê veries, et alors elle essayait de suivre la prière du prêtre ; mais les paroles de son amie ne cessaient de résonner à son oreille. Alors, sa jeunesse, comme si elle était peinte sur une toile magique, passa lente ment devant ses yeux. Elle se rappela avec une lucidité étrange tous les jours, tous les instants où Raphaël s’était trouvé en sa présence, ses moindres paroles, son plus lé ger sourire, le tremblement de sa voix et l’éclat de ses yeux.—C’était donc bien vrai; le malheureux jeune homme l’avait caché,...