Extrait du journal

Les Communeux de Province. Les communeux de province, c'est une espèce rare ; mais enfin, en cherchant bien, on en trouve. C’est si bon d’être ou de se croire dans le mouvement ! C’est si attrayant et d’une humeur si française, de prendre en tout temps la pose révolu tionnaire et de se cSnper le poing sur la hanche en face du gouvernement, quel qu’il soit. Etre du parti des avancés, savez-vous ce que c’est ? Une distinction, presque une gloire. Le grand avantage, c’est qu’une fois qu’on y est, c’est pour toujours : l’at titude est inamovible. Les gouvernements ont beau changer, les peuples comme les autres ont beau accomplir leurs révolu tions, l’homme avancé ne varie jamais, et même, — chose merveilleuse, — il ne bouge pas de place : régime monarchique absolu, régime monarchique libéral, ré gime républicain, il est toujours à égale distance de tous les régimes, il n’y a pas d’exemple dans l’histoire qu’un gouverne ment ait eu d’assez bonnes jambes pour le rattraper. On pourrait lui appliquer ce qu’un impertinent a dit de la femme : « Courez-lui après, elle vous fuit: fuyez-la, elle vous suit. » Donc, il y a chez nous, dans les centres plus ou moins agglomérés, de petits cé nacles intimes, où, entre deux chopes et un nombre indéterminé de pipes de tabac, on établit catégoriquement, et à la suite de discussions approfondies, que c’est le gouvernement de Versailles qui a tort et que la Commune pourrait bien avoir rai son. Dans ces entretiens familiers, M. Thiers passe généralement de très mauvais quarts d’heure. M. Thiers est un suspect aux yeux des purs de notre chef-lieu : on le soupçonne de vouloir escamoter un tas de choses et on lui demanderait volontiers de tenir toujours ses mains ouvertes, pour voir s’il n’y cache pas un roi. L’Assem blée nationale, lorsqu’elle vient sur le tapis, n’est pas non plus bien traitée : on...