Extrait du journal

Celle odieuse créature avait cependant- une affection; elle aimait sou fils à peu près comme les hôtes fauves aiment leurs petits, plutôt d'instinct qu’avec les sentiments propres aux êtres raisonnables. Elle s’était bien gardée de développer en lui aucune notion honnête et l’avait habi tué à considérer ses semblables comme des ennemis con tre lesquels il devait se tenir constamment en lutte et en défiance. Dépourvu des principes les plus élémentaires de morale, le jeune lîruuo était devenu un drôle des mieux réussis pour lequel les lois sociales étaient lettres parfai tement closes. Son temps se passait à marauder, à déro ber les fruits et les produits des jardins, à dénicher les oiseaux qu'il prenait un barbare plaisir à torturer, à aider dans leurs opérations les contrebandiers, qui le payaient en lui donnant quelques sous, du tabac et de l'eau-de-vie. Bruno, qui connaissait les plus petits sentiers, les bois et les rochers, tous les passages des montagnes, avait continué en grandissant à mener soi existence vagabonde il était devenu, comme sa mère, la terreur du pays. Le moment vint cependant où l’on eut l’espoir d’en être dé barrassé; il fut appelé sous les armes. Cette nouvelle produisit une impression de soulagement universel; enfin on allait le voir s’éloigner, et si une balle intelligente ne le choisissait pas parmi ses compagnons, peut-être que les rudes lois de la discipline auraient raison de ses mau vais instincts. Mais la perspective de voir son fils soldat ne faisait pas le compte de la vieille Brigitte. — Tu ne partiras pas, lui dit-elle, ces gens-là seraient trop contents ; ils se réjouissent déjà, et pendant que tu...