Extrait du journal

Aurore n'avait jusqu’alors fait aucune attention au ûlsde Jean Bresiou. Elle examina ce jeune homme aux formes grêles et délicates, à la physionomie soucieuse, au regard méditatif et voilé ; elle comprit qu’il y avait au fond de son cœur une préoccupation secrète qui assombrissait son caractère, enlevait à ses mouvements l’aisance et l'abandon de la jeunesse. Bonne et généreuse comme elle l’était, elle se reprocha de l’avoir froissé par une indifféience qu’il pouvait attribuer au dédain. — Monsieur Jacques, lui dit-elle, vos parents doivent être bien heureux de pouvoir vous conserver auprès d’eux daus un temps où la conscription enlève presque tous les jeunes gens des campagnes. , — Mon frère est déjà sous les drapeaux. — C’est vrai, mais ce n’est pas une raison suffisante, pour que vous échappiez à la loi commune. — H y en a une autre, vous le voyez, je suis faible et chétif ; je ne suis même pas bon à faire un soldat. Ces paroles furent prononcées avec une expression de profonde amertume. — Ne peut-on pa-, dit la jeune fille, tenir honorable ment sg place dans le monde et se rendre utile saus porter l'uniforme 1 On m’a dit que vous étiez très-instruit, mon sieur Jacques, il vous a fallu de rares dispositions et une grande volonté pour atteindre ce résultat au milieu des circuustauces dans lesquelles vous vives. — Ma mère a commencé, M. le curé m’a donné des laçons, pu • l’ancien propriétaire du château avait mis à ma disposition tous ies livras de sa bibliothèque....