Extrait du journal

un sentiment sincère de tendresse et non par un calcul d’intérêt. Veux-tu voir à-présent le fond de ma pensée?... J’ai peu de goût aux confidences; cependant je sortirai de ma réserve en ta faveur... Tu me comprendras mieux quand tu m’au ras entendue... Cette confession achevée, tu l'oublieras et nous n’en reparlerons jamais. Mina entraîna Juliette par la main et la fit asseoir avec elle au fond du jardin, à cette même place où une première fois déjà elle l’avait conduite. — J’ai aimé, moi aussi, reprit-elle, non pas aimé comme toi peut-être, mais à ma manière et selon ma nature, — chacun a la sienne. — J’ai mis du moins une en tière bonne foi dans ce premier éveil de mon cœur qui en sera, je crois, le der nier aussi. Une émotion qu’elle cherchait vainement à comprimer se peignit sur le visage de Mina et en altéra la carnation délicate. Ses yeux devinrent sombres. Elle respira comme une personne qui reprend haleine ; puis $e dominant, et d’une voix ferme : — Il y a deux ou trois ans de cela, et il me semble que des années sans nombre me séparent de cette époque, tant je me trouve différente de ce que j’étais alors. Je t’épargne le récit des circonstances qui m'avaient fait connaître celui à qui, en style de roman, j’avais donné mon cœur. J’avais rêvé qu’avec lui la vie serait douce et que pas un des devoirs qu’elle impli que ne me paraîtrait difficile. Que de chi mères! Celui que j’aimais n’était pas dans une de ces situations qui éblouissent. La sienne allait de pair avec la mienne.. Mais cette obscurité même me semblait un ïiage de sécurité. Je n’avais rien, il était libre, il m’avait choisie ; c’est donc qu’il m’aimait. Ün misérable hasard ne permit pas que ce printemps de ma vie durât plus de quelques jours. A ces derniers mots, Juliette se rappro cha de Mina et se serra contre elle par un mouvement de tendresse caressante....