Extrait du journal
ASSEMBLÉE NATIONALE. Présidence de M. Camus. SUITE DE LA SEANCE DU 5 NOVEMBRE. M. le comte de Mirabeau. Messieurs, la réclamation que j’ai l’honneur de vous porter au nom de ma pro vince , est relative à l’inexécution de vos décrets, et notamment de celui qui intéresse le plus les j hommes sensibles ; je veux parler de la loi provi soire sur la procédure criminelle , ce premier bien fait que vous deviez à la classe la plus malheureuse de l’humanité. Depuis trois mois , Messieurs , une des plus im portantes villes du royaume , Marseille , qui fut le berceau de mes pères , et dont je suis le fils adop tif , Marseille toute entière est sous le joug d’une procédure prévotale , que l’esprit de corps et l’abus du pouvoir ont fait dégénérer en oppression et en tyrannie. Il était difficile que cette ville ne se ressentit pas dé l’agitation du royaume. Plus de sagesse dans son administration municipale aurait piévenu des désordres. C'est pour les punir que la procédure a été prise ; mais des mains cauteleuses ont su la diriger vers un autre but. Les vrais coupables ne sont pas jugés , et mille témoins ont été entendus. On a informé , non sur des délits , mais sur des opinions , mais sur des pensées. On a voulu remplacer par cette procédure celle qu’on n’avait pas permis au parlement de com mencer , ou qu’on avait arrachée de ses mains ; et des haines secrettes dont le foyer ne nous est pas in connu , ont remplit les cachots de citoyens. Ne croyez point en effet que cette procédure soit dirigée contre cette partie du Peuple que , par mé pris pour le genre humain , les ennemis de la liberté appellent la canaille , et dont il suffirait de dire qu’elle a peut-être plus besoin de caution que ceux qui ont quelque chose à perdre. Non , Messieurs, c’est contre les citoyens de Marseille , les plus honorés de la con fiance publique que la justice s’est armée ; et un seul fait vous prouvera si les hommes qu’on a décrétés sont les ennemis du bien. M. d André , à qui l’Ass mblée accorde son estime et le roi sa confiance , ayant fait assembler les districts de Marseille , pour nommer des députés et former une municipalité pro visoire , partout la voix publique s’est manifestée ; elle a nommé ces mêmes décrétés ; et comme des lois susceptibles sans doute de quelque réformation , s’opposaient à ce qu’ils fussent admis dans le conseil, où le suffrage de leurs concitoyens les appelait , on a choisi pour les remplacer, leurs parens , leurs amis, ceux qui partageaient les principes des accusés , ceux qui pouvaient défendre leur innocence. Le tems viendra bientôt où je dénoncerai les cou pables auteurs des maux qui désolent la Provence, et ce parlement qu’un proverbe trivial a rangé parmi les fléaux de ce pays ( 1 ) , et ces municipalités dévo rantes qui, peu jalouses du bonheur du peuple , ne sont occupées depuis des siècles qu’à multiplier ses chaînes, ou à dissiper le fruit de ses sueurs. Je dois me borner à vous entretenir aujourd’hui de l’inexécu tion de votre décret sur la procédure criminelle. Ce décret fut sanctionné le 4. Le 14 , il fut enregistré par le parlement de Paris. Le 18, il était connu publiquement à Marseille. Cependant le 27, des juges arrivés d’Aix le même jour, et réunis à quelques avocats , ont jugé suivant les anciennes formes une récusation proposée par les accusés. Ce fait est prouvé par plusieurs letties que je puis remettre sur le bureau. Par quel étrange évènement s’est - il donc fait que le décret de l’Assemblée ne soit parvenu ni au prévôt, ni à la municipalité de Marseille ! Les ministres cher cheraient - ils encore des détours ? voudraient-ils ren dre nuis vos décrets en ne s’occupant qu’avec lenteur de leur exécution ; ou bien les corps administratifs , les tribunaux oseraient - ils mettre des entraves à la publicité de vos lois ? Je ne sais que penser de ces coupables délais. Mais ce que personne de nous ne peut ignorer, c’est qu’il est impossible de relever l’em pire écrasé par trois siècles d’abus , si le pouvoir exé cutif suit une autre ligne que la nôtre, s’il est 1 ennemi du corps législatif, au lieu d’en être l’auxiliaire ; et si des corps auxquels il faudra bien apprendre qu’ils ne sont rien dans l’État, osent encore lutter contre la volonté publique dont nous somme les organes. Je propose le décret suivant :...
À propos
Fondé en 1789 par Charles-Joseph Panckoucke (1736-1798), éditeur de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, La Gazette nationale ou Le Moniteur universel fut pendant plus d'un siècle l’organe officiel du gouvernement français.
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