Extrait du journal

j printemps Sa blancheur rappelait celle d'un mur nouvellement recrépi ; son étroite bordure multicolore faisait encore ressortir le glorieux éclat du fond ; et si tout le monde n’avait su que l'Europe et I l'Asie avaient cessé depuis plus d’un demi; siècle de fabriquer cet article de haut goût, l’ancien honneur des corbeilles de noces bourgeoises, de Rouen à Antibes et de Metz à Perpignan personne n’aurait hésité à dire : Voilà un châle neuf. Ce châle étourdissant se drapait sur une robe de soie, couleur de gorge de pi geon, aux reflets -miroitants. On n’y avait point épargné l’étoffe, et cependant la jupe était courte. En revanche, elle était bouf fante. Deux brodequins noirs trottinaient , sous cette cloche; un chapeau de tulle noir, orné de roses jaunes, complétait cet 1 ajustement de gala. Ce serait pourtant une injustice que d'oublier les gants blancs, tt les deux bracelets d’or qui enrichissaient les deux poignets de la promeneuse mati nale, car on était encore au matin. Du chapeau, sous les roses jaunes, émergeait une petite figure noire, pour le moment assez encolérée, qu’éclairaient deux yeux inquiets et brûlants. La dame avait déjà paru une première fuis dans cette rue majestueuse de l’ancien temps, vers huit heures ; il allait en être neuf. Elle suivit le môme trottoir, pénétra dans uu hôtel garni situé sur la droite, non loin du pa lais, et ordinairement habité par des étu diants fils de famille. D’une voix forte et irritéej et avec un pur accent méridional, la terrible petite matrone demanda : — Monsieur Charles Bazus ? Le concierge reconnut le châle pour lui avoir répondu déjà deux fois depuis le matin. Beaucoup de ses pareils ne sont prolix' s envers les parents que contre une invitation sonnante. Celui-là était naturel lement bref en tout temps : — Je vous ai dit que Bazus n’avait point paru à l’hôtel depuis trois jours. Ces valets d’étudiants sont familiers, ils ne donnent pas volontiers du Monsieur à leurs jeunes maîtres de passage....