Extrait du journal
INTÉRIEUR. Paris, le 16 juillet. Le président de la République est allé hier à Amiens, ainsi que nous l’avions annoncé, distribuer les drapeaux aux gardes nationales du département de la Somme. Cette imposante cérémonie avait attiré, dans cette ville, un im mense concours de population accouru de tous les points de ce département et des départements circonvoisins. On évalue à près de 150,000 les étrangers qui y assistaient. Jamais l ancienne capitale de la Picardie n’avait vu une pareille fête, jamais l’esprit des populations ne s'était ré vélé avec une pareille unanimité d'expression, avec une pareille soudaineté d’enthousiasme. Jamais le chef de l'Etat n’avait reçu une telle ovation populaire. Cette fêle restera à jamais gravée dans les annales et dans les sou venirs de la ville d'Amiens. Le président de la République, conformément au pro gramme arrêté d’avance, est arrivé à sept heures à la fare du chemin de fer du Nord. Il était accompagné de LM. Roulay (de la Meurthe), vice-président de la Répu blique, Dupin, président de l’Assemblée nationale, des ministres de la guerre et de l’intérieur, et de ses officiers d’ordonnance MM. Fialin de Persigny et de Toukmgeon, et du secrétaire général de la présidence, M. Ferdinand Barrot. M. le général Changarnier et tous les représen tants du département de la Somme, ainsi que des repré sentants d’autres départements, parmi lesquels nous avons remarqué M. Lucien Bonaparte, avaient été invités par la ville d'Amiens à assister a cette fête. Un convoi spécial avait été préparé par les soins de l’administration du che min de fer du Nord ; il est parti de Paris à sept heures quelques minutes, et a fait en moins de deux heures et demie un parcours de 76 kilomètres, après s'èlre arrêté à Pontoise, à Creil, à Clermont et à Breteuil. Le président de la République a passé en revue, dans ces différentes villes, les gardes nationales qui s'étaient portées en foule à sa rencontre, et a reçu partout 1 accueil le plus empressé et le plus enthousiaste. A neuf heures trente-cinq minutes, plusieurs salves d’artillerie ont annoncé l’arrivée du convoi à Amiens. Toutes les autorités civiles et militaires étaient accourues au devant du chef de l’Etat, et l’ont salué par les plus vives acclamations. M. Masson, préfet de la Somme, lui a adressé 1 allocution suivante : « Monsieur le président, « Le département de la Somme, au nom duquel j’ai l'honneur de vous recevoir, est celui qui, dans la grande élection du 10 décembre, vous a relativement donné le plus grand nombre de suffrages. Un des premiers, il a adopté votre nom comme un mot d’ordre et de ralliement. Il semblait pressentir qu’il était réservé à ce nom glo rieux, illustré par tant de victoires et dé conquêtes, d’ai der encore la France à se reconquérir elle-même. « Je suis heureux et fier d'être aujourd hui l’interprète du département en vous disant que la confiance qu’il avait mise en vous n’a point été trompée. Les populations énergiques et résolues que vous venez visiter aiment l'ordre avec passion et détestent avec passion l’anarchie. Elles avaient compté sur vous pour rétablir l'un et pour combattre l’autre. Elles avaient compté sur vous pour préserver la liberté des excès qui la compromettent ou la déshonorent, pour concilier les esprits et rapprocher les cœurs, pour restaurer le respect des lois, pour défendre enfin la société et la civilisation menacées. Depuis que leurs votes vous ont appelé à la première magistrature de la République, elles vous ont vu à l’œuvre ; elles connais sent vos actes, ainsi que vos intentions, et, si votre tâche n’est point achevée, elles savent que jusqu au bout vous aurez ferme volonté et bon courage. « Croyez donc à la sincérité de nos sentiments comme à la constance de notre concours. Les peuples qui souffrent, attendent beaucoup de ceux qui les gouvernent. Parfois même dans l’ardeur de leurs désirs, et comme pour leur faire un devoir de les mériter, ils leur prodiguent d’a vance les témoignages d’enthousiasme et d amour. Mais jci, monsieur le Président, vous n’avez point a vous mé prendre sur la signification de l’accueil qui vous attend. Les acclamations que vous allez entendre, les hommages que vous allez recevoir sont déjà plus que de l’espérance pour l’avenir ; ils sont de la justice pour le passé. » M. le maire, prenant à son tour la parole, s’est exprimé en ces termes : « Monsieur le président, « Le corps municipal de la ville d’Amiens vient saluer en vous l’élu de la nation, l’homme d ordre et d'énergie qui a témoigné plus d’une fois de sa ferme volonté de combattre les factions. a Courage et confiance, monsieur le président, cou rage et confiance I permettez-moi ces mots. « La nation est avec vous. « L’armée aime le sang-froid que vous lui avez souvent montré. « La France veut l'ordre, elle sait que vous avez juré de le maintenir. « La continuation de votre politique sera un gage de dnrée pour la prospérité du pays. « La ville d’Amiens et le département de la Somme sont heureux de posséder. « Le 10 décembre, ils vous ont montré qu’ils plaçaient en vous leurs espérances ; aujourd’hui ils vous adressent l’expression de leur reconnaissance. « Ils sont heureux de trouver à vos côtés le brave gé néral que le département est glorieux de compter au nombre de ses représentants. « Soyez le bienvenu, monsieur le président ; soyez le bienvenu dans cette industrieuse cité qui a bien souffert, mais qui plus que jamais se confie à vous et compte sur un meilleur avenir. » Le président a remercié MM. le préfet et le maire des sentiments qu’ils lui exprimaient au nom de la ville d’A miens. Il a rappelé que dans deux circonstances de sa vie il a reçu dans cette ville des témoignages de sympathie, la première, lorsqu’il se rendait prisonnier à la citadelle de Ham ; la seconde, lorsqu'après la révolution de février il lui a été donné de rentrer dans sa patrie. C’est que la ville ë Amiens avait déjà deviné que le nom de Napoléon...
À propos
Fondé en 1789 par Charles-Joseph Panckoucke (1736-1798), éditeur de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, La Gazette nationale ou Le Moniteur universel fut pendant plus d'un siècle l’organe officiel du gouvernement français.
En savoir plus Données de classification - napoléon
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