Extrait du journal
CLâ'.onj, 17 a.jût. Mon cher r.mi, •l’avais la fièvre, je n’y tenais plus. Tous ces bruits rie victoire, ces rumeurs terribles qui remplissaient Paris et qui se résumaient en une certitude rie bataille, m’enlevaient tout repos. J'ai voulu voir, renseigner le journal, el ce matin je suis parti. Ah! la grande gare des chemins de l'Est ne ressemblait plus à ce qu’elle était il y a quinze jours, l u grand silence. Cependant, h l'heure où la locomotive chauffait, une longue colonne, marchant sur quatre hommes de front, et conduite par un officier supé rieur de la garde mobile à cheval et un capi taine d’infanterie à pie i, traversait silencieu sement la place. Fresque tons portaient la blouse bleue et le képi, un sac ou une sa coche de loi’t pendue en bandoulière; tous avaient le fusil sur l’épaule. Plus d-* cris, plus de chants, mais une attitude mâle et résolue, quelque chose de grave dans la phy sionomie, et je ne sais quoi qui dit qu’on est déterminé à faire son devoir. Qui que vous soyez, gardes mobiles, francstireurs ou recrues, salut ! Aux fortifications, une grande activité ; on creuse les tranchées, on voûte les réduits ; des canons de remparts dorment sur l’herbe, d’autres accroupis sur leurs affûts regardent par les embrasures fraîchement ouvertes. Le convoi court. Il rencontre et dépasse un train d’artillerie; les plates-formes semblent écrasées sons le poids des pièces et des cais sons. F ne mitrailleuse m’apparaît, puis deux, puis trois, puis quatre, puis dix ! fl y en a vingt, il y en a trente. Des artilleurs en grand nombre nous saluent delà main.Tout cela va au camp de Châlons. A la gare de Château-Thierry, des gardes nationaux en uniforme occupent le quai. I ne sentinelle s’y promène l’arme au bras. Plus loin, entre Eperon y et Châlons, en core un convoi d’artillerie. Que de prolonges et que de caissons ! ÇA et là, des mortiers énormes, des ohusiers, ries pièces rie siège. Beaucoup de chevaux. Des cris éclatent. Sur le rail qui va de Châlons au camp, un convoi file. 11 est tout rempli de soldats qui semblent partir pour une i'ète. Ils sont à demi étendus sur les pkifes-forfes encombrées de sacs, ou debout sur les wagons au clair soleil. Il y a des zouaves, des chasseurs à pied, des turcos, des hussards, des capotes grises. Les chissepots briffent dans leurs mains. Ils courent vers l’un des boulevards de la France. Bien tôt un rideau de peupliers nous les cache. Nous faisons quelques pas encore; un équipage de ponts dort sur le canal de la Marne. Mais là, tout à coup, notre locomotive s’arrête comme essoufflée. Un regarde. Un convoi lui barre le passage. Et quel convoi ! plus long que le légendaire serpent des mers! Les voyageurs impatientés mettent pied à terre. Je fais comme eux. Un restera là, en padne, comme un navire que le souffle du vent oublie, pendant une heure ou deux, peut-être quatre. Je saute sur ma valise et emboîte le pas derrière deux moUots qui filent vers Châlons, le pantalon dans la guê tre blanche, le lorgnon dans l’œil. On ne suit pas combien l'imprévu règne en maître sur la ligne de l’Est.' Toutes les voies, en avant et en arrière de la gare, sont chargées de wagons. Cinquante locomotives sifflent et fument. Sur le quai, des ballots, des caisses, des cantines. De lourds wagons fermés exhalent une bonne odeur de pain. Une main prévoyante a écrit sur les volets la quantité de pain qu’ils ren ferment. D’autres portent des sacs de farine, d’autres des sacs de café. Ceux qui*naguère appartenaient au Wurtemberg, à la Bavière,...
À propos
Fondé en 1789 par Charles-Joseph Panckoucke (1736-1798), éditeur de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, La Gazette nationale ou Le Moniteur universel fut pendant plus d'un siècle l’organe officiel du gouvernement français.
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