Extrait du journal

PARTIE NON OFFICIELLE. INTÉRIEUR. Paris, le 18 juin. Le citoyen Recurt, ministre de 1 intérieur, vient d’a dresser à tous les préfets la circulaire suivante : « Paris, le 17 juin 1848. « Citoyen préfet, « La République, en consacrant l’égalité de droits pour tous les citoyens, a élevé et agrandi les devoirs des fonc tionnaires.— Le Gouvernement doit attendre de ceux qu’il associe à sa mission plus de zèle, plus de dévouement que n’en pouvait exiger un pouvoir de privilège, ennemi de la liberté. « La monarchie a vécu de défiance et de corruption. La République commande la droiture et invite à la con fiance. « Aujourd hui le Gouvernement doit reposer sur l’as sentiment de la nation tout entière ; à cette condition seulement l’autorité sera forte, légitime, inébranlable; car les citoyens comprendront quelle n’est qu’une émanation de chacun d’eux, et ils la défendront comme leur propre ouvrage, comme l’expression vraie de leur volonté collec tive. Aussi, citoyen préfet, vos administrés sont en droit d’attendre beaucoup de vous, car le poste éminent que vous remplissez suppose le mérite, et le mérite doit être prouvé, non-seulement par le choix qu’on a fait de vous, mais encore par la sagesse des actes de votre adminis tration. « Vous serez peut-être longtemps encore placé entre deux écueils que l’on trouve toujours à la suite des révo lutions: d’une part vous rencontrerez les impatiences et les emportements téméraires ; de l’autre les tendances vers un passé qui ne peut plus renaître ; l’un et l’autre de ces écueils pourront être redoutables. Faites preuve d une énergie intelligente et sage, maintenez-vous résolument dans la ligne de vos devoirs envers le pays, et aucun d’eux n’offrira de dangers. « On parle de réaction ; mais que pourra jamais l’entête ment intéressé de quelques hommes contre l'assentiment populaire, contre la voix de la généralité des citoyens sa luant la République comme le seul gouvernement pos sible, et non comme une conquête nouvelle, mais comme un héritage légitime qui nous avait été dérobé pendant cinquante années? Ne l’oubliez pas, citoyen préfet, nos fautes seules pourraient offrir des chances à la réaction • que notre administration soit ferme, digne, honnête, et tous les intérêts, toutes les opinions se rallieront en fais ceau autour de la République. « Quant aux républicains impatients, faites-leur com prendre que les fruits ne se recueillent qu’après un long travail. 11 a fallu passer par de nombreuses épreuves avant d’arriver à la constitution d’un gouvernement po pulaire. Sans doute de nouveaux progrès doivent s’ac•omplir ; mais on ne franchit pas en un jour l’espace de plusieurs années. Les hommes de dévouement, fermement attachés a la République, vous écouteront ; c’est à vous de les convaincre que de folles ardeurs peuvent la com promettre....