Extrait du journal

L'amour en robe blanche, parfumé d'aubépine, couronné de liserons frêles et nimbé d'un tuile virginal, triomphe en ce moment sur la Butte. L'âme de candeur et de sentimentalité qui palpite à Montmartre sous les costumes de folie, et soupire volontiers la romance dans les cabarets de nuit, a pris officiellement pour souveraine la petite Muse aux modestes cheveux bruns. Un peintre qui, par son art douloureux et câlin, a su rendre digne de Watteau la province artistique comprise entre le MoulinRouge et celui de la Galette, a groupé autour de cette jolie enfant les hommages fantaisistes mais sincères des rapins, des noctambules et des pierrettes, ses élèves ou ses modèles. Lui-même, assure-t-on, aurait offert à l'innocente charmeuse un cœur naïf et blasé, comme ceux qui ont beaucoup vécu sans toutefois abdiquer leur rêve, toujours las et jamais désillusionnés à fond. En sorte que tout le vacarme des guinguettes et toute la véhémence juvénile des ateliers aboutit, là haut, a l'apothéose d'une exquise fille de concierge, qui prend, aux solennelles fanfares de la fête, aux salutations de Clovis Hugues et aux révérences de mademoiselle de Mérode, l'ap parence d'un ange laïque bénissant la démocratie ouvrière sur ces sommets pourtant profanes : elle est cet ange de l'aiguille, contemplé jadis par Victor...