Extrait du journal

Bref, du bas en haut, ses supérieurs comme ses employés avaient pour lui cette espèce de vénération instinctive que les plus sceptiques éprouvent pour les vies de cristal, pour les existences vraiment belles. Et ce qui augmentait encore mon enthousiasme pour ce brave Ledonchelle c'est que je savais que la belle Alice, ou si vous préférez, madame Ledonchelle, ne méritait en rien, mais là, en rien, tous Ces sacrifices. C'était la plus dévergondée coquine que l'on pût rêver, ribaude comme escarpin, n'ayant qu'une idée ; mettre à profit l'immense liberté que lui laissaient lés fonctions de son mari pour mener une vie de bâton de chaise, et faire des folies de son corps, à condition que ces folies lui rapportâssent le plus d'argent possible. Rien n'était ni assez beau ni assez luxueux pour elle, costumes d'intérieur plissés soleil, avec entre-deux de guipures d'Irlande ; cols de chinchilla doublés d'hermine ; robe de bal en Liberty cerise ; manchons en satin noir avec volant de Chantilly bordés de zibeline, et toques en dentelle de crin blanc pailleté d'or avec aigrettes colonel et oiseaux de paradis. Et un luxe de dessous ! Chemises en toile de soie rosée, rabattues de Valenciennes et nouées négligemment de grands rubans de satin rose ; pantalons en tissu aérien avec larges volants de Malines réunis par des nœuds échelonnés qui se perdaient dans les dentelles. Et si vous me demandez comment je savais tout cela, je vous avouerai que je le savais. comme tout le monde, la discrétion du gentleman n'ayant rien à voir en la circonstance....