Extrait du journal

J'avais vingt ans — la vie m'apparaissait comme un long- et interminable festin, comme une fête radieuse et splendide a la fois, je croyais, et avec quelle ardeur ! quel enthousiasme enfantin , stupide et sublime, à toutes ses promesses, a toutes les chimères de félicité, d'amour, de gloire et de génie dont la jeunesse charmante et crédule entrevoit déjà le triomphe certain et la victoire assurée. Je venais de terminermes études philosophiqnes — je le croyais du moins — et mon âme toute neuve, encore éblouie par la vision de l'absolu, que la science suprême entre toutes révèle aux yeux des êtres ayant voué leur vie a son culte austère et délicieux, dédaigné du vulgaire — je vivais dans ces sphères éblouissantes, glaciales et sublimes où scintillent, en leur froide et mystérieuse lumière, les Vérités éternèlles et les Problèmes essentiels — cependant je venais d'être nommé professeur de rhétorique au collège de PontArcé, dans le Midi, je savais que ma tante Euphrosine m'y avait arrangé un excellent ménage avec une petite cousine a moi, fille d'un riche bourgeois des environs, de ce père Anselme Finot, un des types les plus extraordinaires de la Provence, où il y en a quelques-uns pourtant et qui, paraît-il, consentait d'avance à me donner sa fille, parti médiocre pour la jeune personne, mais heureux événement pour moi, puisqu'il .m'assurait l'indépendance, presque la fortune, la possibilité de m'adonner entièrement a mes chères études, c'est le cas de le dire....