Extrait du journal

Gil Blas m'a appris l'aventure d'une lieille dame, dont j'ignore absolument le loin, et qui, à soixante ans, s'avise de ionvoler en justes noces avec un homme qui pourrait être son fils. Il est bien entendu que je ne m'occupe pas des personnes, que je ne connais pas, mais je retiens l'espèce, comme disent les avocats. Et je ne puis m'empêcher de trouver le monde cruel, en ses sévérités contre les vieilles amoureuses. Là dessus l'opinion, il faut le reconnaître, n'a jamais varié. Depuis que le monde est monde, on s'est moqué des femmes qui aiment tard. Les satiriques se sont régalés d'écrire contre elles: Horace et Martial sont pleins d'épigrammes à l'adresse des belles Romaines de quarante ans, qui regardaient avec complaisance les mimes élégants et les gladiateurs robustes. Il n'y a pas bien longtemps, une veuve ne pouvait se remarier sans risquer le charivari. Des cérémonies de ce genre ont encore lieu quelquefois en province et, récemment, une d'elles se terminait par des coups de fusil tirés par un Hernani que la musique impatientait. Mais toutes les fois qu'on a affaire à une opinion universellement admise, on peut se demander à bon droit si on n'a pas affaire aussi à un préjugé cruel ou imbécile ?...