Extrait du journal

— Non, je procède d'une autre façon, qui revient au même mais qui est bien plus jolie. Quand je suis sur le point de partir pour une fête où il n'est pas impossible que l'on me rende quelques hommages, je dénoue, au-dessus de ma table de toilette, très vite, d'un seul geste, tous mes cheveux. Ils sont longs, doux et fins, tu ne l'ignores pas, Colette ! et leurs ondes déroulées, qui serpentent, s'étendent, se rebroussent, imitent des lettres, bien mieux que ne faisaient les pelures de pomme ou d'orange. Telle est ma manière d'interroger la Providence! et l'oracle n'a jamais menti ! et toujours j'ai su d'avance l'initiale du prénom que j'étais destinée à balbutier, quelques heures plus tard, avec les plus tendres inflexions. De sorte qu'enfin,ayant reconnu que je m'opposerais vainement à la volonté du destin, je me garde bien d'y faire la moindre résistance. Je me soumets, je guide mes choix d'après les prophéties ! Et comme, en aucun cas, je n'ai eu à me plaindre...