Extrait du journal

Ces jours derniers, comme d'habitude, à l'occasion de la Fête nationale, il y a eu abondante floraison de boutonnières ; c'est une fonction du soleil du 14 Juillet d'y faire épanouir les coquelicots,— fleurs de vanité, disent les curieux désappointés. Et, comme d'habi'ude aussi, MM. les peintres se sont trouvés nombreux à en cueillir. Quelques poètes ou écrivains bien choisis ont été conviés aussi à la distribution, mais infiniment plus rares. Les gens de lettres ne sont pas gâtés; ils ne l'ont jamais été ; ils ne réclament pas, car on sait leur modestie grande et leur abnégation; ils constatent seulement ceci, par exemple : que Léon Bierx, un des poètes les plus exquis. les plus purs, le plus complètement poètes de ce siècle, que le ministre de l'instruction publique a eu l'heureuse inspiration d'aller chercher dans son austère et lière solitude pour l'arracher à l'ouJIi et honorer comme il convient son talent et son caractère, que Léon Bierx, — qui, il est vrai, n'a jamais fait de cantate, — reçoit cette récompense à cinquante ans passés ; et aussi que le Maître Théodore de Banville a mis environ trente-cinq ans pour passer, de chevalier, officier, ce qui ne saurait être considéré comme un avancement scandaleusement rapide. Et, pourtant, celui-ci en comptait, des « services exceptionnels » pour la gloire de la poésie moderne ! Les choses marchent moins lentement aujourd'hui, surtout lorsque la littérature n'est pas en question; elles marchent même parfois avec une vitesse électrique qui n'était pas prévue dans les statuts de l'Ordre....