Extrait du journal

Tout le monde ne peut p«» partir en çierre par la gare de l'Est, fort hé roïque et dramatique en cette circons tance, même lorsqu'on doit s'arrêter dans un bataillon régional au Raincy. C'est par la gare de Lyon que j’ai rejoint, sans aucune espèce de gloire, un dépôt d’infan terie de mon pays natal. Je venais de mettre la dernière main à une petite correction — hélas ! purement littéraire — à l'adresse de M. Henri de Kerillis. C’était aussi le soir le plus froid de cet aimable hiver. Des souliers de montagne aux pieds, mu sette en bandoulière — quelle peine et quelle colère son achat m’a coûtés ! Les magasins parisiens semblent absolument ignorer qu'un certain nombre de Français sont soldats et opposent à leurs modestes besoins un hau tain dédain. Je longe un rapide caparaçonné de glace. Je suis lesté, par les soins de la Croix-Rouge, d'un quart de vin chaud, la première des munificences gratuites auxquelles I j’ai droit désormais. Les mobiles de service , m’ont dirigé aussi sur l'entrée réservée aux ! militaires, je suis bien soldat. Je grimpe dans un wagon obscur. Il est bondé de Berbères marocains, authentiques i fils du Prophète, turbans, colliers de barbe, gandourahs rayées, les pieds nerveux dans des babouches, adolescents aux joues lisses, grisons sillonnés et tannés, opposant tous aux frimas un fatalisme imperturbable. — Où allez-vous ? — Nous moubilissés. Vouyagc....