Extrait du journal

fera bénir Dieu dans son œuvre , ne réveillera chez eux que des instincts stupides et brutaux. La chair et le sang étouffent en eux les doux sentiCependant Frédéric , que Maria, par instinct de danger, avait éloigné et qui la voyait inflexible dans sa résolution première , dut, par tous les moyens possibles , songer à se rapprocher d’elle pour mener à terme cette seconde partie , dont intérieurement il s’était promis le succès. Or , il était encore indécis parmi les moyens que lui souillaient son habileté acquise et sa verve en fait d’expédiens , lorsqu’une circonstance qu’il ex pliquera plus tard vint comme d’elle-même opérer ce rapprochement. Maria , dont le talent d’artiste se révélait chaque jour , était souvent invitée à se faire entendre dans les maisonsoù l’appelait son genre d’oc cupation , et rarement une semaine se passait sans qu’elle ne fût retenue bien avant dans la nuit par quelque soirée particulière. Ces rentrées à une heure avancée n’étaient un mystère pour personne , et comme le motifen était connu , la calomnie demeurait muette. La jeune fille de vait sacrifier à Vidée d’eccroitre sa réputation la considération des dan gers qu’elle pouvait courir. Et pourtant, comme tu le verras , ces dan gers n’étaient que trop réels. Un soir, — il soufflait un de ces vents âpres et piquans de janvier qui bien avant minuit balaient les rues de Paris et les débarrassent de nombreux promeneurs, Maria , sa tâche de complaisance achevée, regagnait son modeste appartement par ce si lence et cette solitude des rues , lorsqu’arrivée au coin d’une ruelle de vant laquelle elle devait passer , d’après un signal qui lui parut convenu, elle vit trois hommes se précipiter sur elle, étouffer set cris, et l'en traîner vers une maison de sinistre apparence. Dans le premier moment du danger, Ja pauvre fille s’était évanouie 5 mais quelle ne fut passa surprise, lorsque reprenant peu à peu ses sens , elle vit, à la lueur du reverbère, Frédéric, oui, Frédéric lui-même, la soutenir dans ses bras , lui prodiguer les soins les plus empressés et la rassurer sur les dan gers qu’elle avait courus. Sa première parole fut une exclamation de sur prise , et par un seul regard elle lui transmit toute l’expression de sa re connaissance ; car , elle le croyait du moins , Frédéric était son libéra teur. Il n’était plus prudent de continuer seule sa marche nocturne, et Frédéric la reconduisit à l’hôtel comme un triomphateur escorté de sa conquête. Puis , quand rentrée chez elle , Maria vint à lui dire qu’elle le bénissait comme un sauveur , regrettant de u’avoir pas assez de mots pour bien exprimer ce qu'elle ressentait si bien , Frédéric l'interrompant aussitôt: Si vous croyez , lui dit-il , me devoir quelque chose pour avoir sauvé une vie que j’aurais défendue au péril de mes jours , eh bien ! perniettez-moi de vous revoir quelquefois , et votre dette de reconnaissance est acquittée : je refoulerai l’amour dans mon cœur , et je jure de vous respecter comme une sœur. — Comment ne pas dire oui à une demande ainsi formulée '( L'événement donnait raison à Frédéric et lui rouvrait accès auprès de Maria. Il faut bien le dire ? Frédéric revoyant chaque jour Maria , sans s’écarter de ce ton respectueux qn’il avait juré de garder, gagnait insen siblement du terrain sur ce cœur jeune et candide. Ce doux roman d’a mour qu’elle n’avait encore entrevu qu’eu rêve , commençait à ouvrir pour elle ses premiers feuillets d’or t et l’amour, cet amour dont le plus...