Extrait du journal

Paris, 10 avril. Il paraît qu’on n’obtiendra pas de sitôt une parole nette et concluante sur cette fameuse con jonction des centres dont on parle toujours, et sur révolution gouvernementale qui en serait la conséquence. La Presse, qui, répondant aux avances du Journal des Débats, avait prononcé la première le mot de « République septennale, » indiquant cette forme politique comme le terrain commun sur lequel le rapprochement pourrait s’effectuer, semble aujourd’hui regretter sa dé claration et les commentaires auxquels elle a donné lieu. Elle s’excuse, elle se replie : elle affirme n’avoir pas voulu aller aussi loin qu’on l’avait cru à première lecture. De son côté, l'Agence Havas répond par une note presque dé courageante aux informations du Courrier de Bruxelles, reproduites avec empressement par la plupart de nos journaux. Le maréchal, dit-elle, n’a point reçu la visite de M. le comte Rampon et de ses amis ; tout au plus, a-t-il pu causer incidemment avec eux, au cours de quelque loin taine réception ; et s’il leur a dit quelque chose alors, c’est uniquement qu’il n’avait pris d’en gagement qu'avec le pays, qu’il tiendrait fidèle ment ses engagements, et qu'il était résolu à organiser définitivement son pouvoir avec l’aide des conservateurs et des modérés de tous les partis. Ainsi s’exprime la communication officieuse. 11 faut, je crois, tenir compte de la réserve qui s’impose toujours au traducteur de la pensée gouvernementale, et ne pas prendre tout à fait au pied de la lettre ce que dit l'Agence 1lavas. SI je suis bien informé, les offres de concours ont réellement été faites par M. Rampon et quelques autres députés du centre gauche, se portant fort pour une soixantaine de leurs collègues. Elles n’ont pas été repoussées. Seulement, ces mes sieurs exigent la retraite de M. de Broglie, et le maréchal n’étant point disposé à aller jusque-là « pour le moment, » la note en question a paru afin de sauvegarder les apparences et les suscep tibilités du ministre dirigeant. Je crois même pouvoir ajouter qu’une combinaison nouvelle, soigneusement poursuivie à cette heure, est venue se greffer cur celle de la conjonction des deux centres. Il s’agissait d’attirer dans l’alliance pro jetée la plus grande partie de la droite modérée, ce à quoi travaille activement M. Baragnon, soussecrétaire d'Etat à l’intérieur et qui fut une des personnalités le plus en vue de ce dernier groupe. Ce concours serait jugé indispensable pour com penser la défection de l’extrême droite, ce à quoi ne pourrait suffire l’adhésion seule du cen tre gauche. Les défections étant évaluées, au maximum, à une quarantaine de voix, la majo rité septennaliste ne ferait que s’accroître si la droite moyenne et les centres se mettaient enfin d’accord. t* Evidemment, il y aurait lieu alors à des médi cations dans le cabinet ; mais d’abord ces modi fications ne se feraient qu'à la rentrée et sur le terrain même des discussions parlementaires qui marqueront le début de la session. De plus, le remaniement ne serait pas complet. En tout cas, il parait inexact qu’avant la date dont je vous parle, M. de Broglie et M. Magne doivent rési gner leurs portefeuilles, de même qu’il n'y a pas...