Extrait du journal

REVUE DE LA SEMAINE.* Le sort en est jeté. Toutes les idées que les différentes écoles du parti libéral s’étaient faites depuis trente ans sur le système électoral sont renversées du même coup. Plus de cens , plus de garantie d’aucune espèce. Nous allons du premier pas au bout île la logique. La France va, pour la première fois, faire l’essai du suffrage vraiment universel. Immense épreuve, il faut l’a vouer, heureuse épreuve, si la France se montre digne de cette liberté sans limite ! Nous l’avons dit souvent, et notre pensée est toujours la même : il n’y a, selon nous, qu’un droit absolu pour les nations, celui d’être gouvernées le mieux possible. Si la P rance est mieux gouvernée avec le suffrage universel, si elle a plus de liberté, plus d’ordre, plus de puissance, s’il sort de cette immense réunion de suffrages une assemblée pleine de lu mières , de modération et de courage, le problème sera résolu. IVous nous tiendrons pour vaincus non-seulement en fait, mais en droit, et nous reconnaîtrons tous les premiers que ces garan ties de cens et de capacité, tant recommandées par les publi cistes les plus libéraux, n’étaient que de vaines entraves et d’of fensantes précautions ! „ Mais nous ne pensons pas non plus qu’aucune théorie puisse justifier un mauvais gouvernement. On aura beau dire que le droit du suffrage est un droit naturel ; le premier des droits na turels pour un peuple, nous le répétons, c’est le droit d’être bien et sagement gouverné. La volonté du peuple ne varie pas sur ce point. Toutes les formes de Constitutions qu’on peut ima giner ne tendent qu’à ce but. La Constitution des Etats-Unis d’Amérique est bonne, parce que, sous celte Constitution, l’A mérique a immensément grandi en richesse, en puissance, en considération dans le monde. La Constitution de l’Angleterre est bonne, malgré les vices que la théorie et même l’expérience y découvrent aisément, parce que, sous cette Constitution, l’An gleterre est montée à un rang qu’elle n’avait pas occupé jusquelà parmi les puissances de la terre. Nous désirons ardemment, qu’on en soit sûr, malgré le démenti qu’en recevraient nos idées, que notre pays trouve enfin dans le suffrage universel et dans les institutions républicaines ce qu’il cherche, hélas ! depuis soixante ans, à travers tant de \k&êitudes, sa bonne Constitu tion , la Constitution qui le fera grandir, prospérer, qui assu rera son repos, sa gloire, sa liberté ! On nous pardonnera une défiance bien naturelle ; on ne se défait pas en un jour des idées qu’on a aimées et dans lesquelles on a eu foi. Mais cette défiance lie pénètre pas dans notre cœur. Elle ne nous inspire ni dépit ni colère contre ceux qui, ayant la victoire, essaient à leur tour de faire prévaloir leurs idées. Puisse l’événement leur donner rai son et nous donner tort ! Puissions-nous leur dire un jour, en voyant la France libre, heureuse et calme : C’était nous qui nous trompions. Tels doivent être les sentimens de tous les bons citoyens dans...