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Journal de la ville de Saint-Quentin et de l’arrondissement, 17 juin 1849

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Journal de la ville de Saint-Quentin et de l’arrondissement
17 juin 1849


Extrait du journal

conservent l’espérance de l’emporter à une nouvelle occasion, ils savent bien qu’alors leur victoire trouvera toujours des têtes dociles pour s’incliner devant les pouvoirs nouveaux, des mains assez lâches pour applaudir à leur sanglante victoire, des plu mes assez serviles pour écrire des panégyriques louangeurs. Depuis soixante ans, il n’est pas une seule insurrection qui n’ait été criminelle ; nous ne distinguons pas plus celles qui ont triomphé que celles qui ont été vaincues. Essayez de balbutier quelques mots d’excuse en faveur de ces minorités qui, battues au scrutin, ont fait appel à l’insurrection, et vous justifiez en même temps toutes les tentatives d’émeutes des minorités con damnées par un vote public. Aujourd’hui, la Montagne croit à une violation de la consti tution par la nftjorité de la représentation nationale ; elle s’in surge , mais elle est contrainte de céder devant d’habiles mesures prises en temps utile. En supposant sa conviction non pas éclai rée, mais consciencieuse, et pour quelques niais, nous sommes bien forcés d’admettre cette hypothèse: y avait-il raison suffi sante pour pousser le cri aux armes ? Oui, si l’on s’obstine à lé gitimer tous les mouvemensrévolutionnaires du passé. Non, si la France veut enfin briser avec de déplorables traditions, avec d’inconséquens souvenirs. La dynastie de 1830 a vainement lutté, nous le comprenons aujourd’hui, avec la théorie de l’insurrection ; elle lui devait un trône ; pouvait-elle condamner son origine et rompre sans re tour avec les principes qui avaient élevé les barricades de juil let? Elle ne le pouvait pas sans être inconséquente. La république, qui n’est plus depuis le 4 mai le patrimoine d’une famille, mais bien le gouvernement de la majorité de la re présentation nationale ; la république, qui ne peut plus s’inféo der à un nom, à une classe, est mieux placée que la monarchie pour rappeler l’ordre dans les esprits ; elle peut rompre hardi ment avec de détestables principes, affermir et faire aimer et respecter le règne de la loi. Sous ce rapport, du moins , nous lui reconnaissons un avantage sur la monarchie ; la malveil lance , l’esprit de dénigrement, rapporte à un calcul personnel la politique la plus habile, la plus nationale du chef d’une dy nastie ; la politique d’une majorité est à l’abri d’un semblable reproche. A la république donc, appartient de détruire, dans les esprits encore égarés, ce principe d’insurrection si fatal à la France de puis soixante ans. La majorité gouverne aujourd’hui directement et sans intermédiaire, par l'élection d’un président triennal et d’une assemblée dont le pays peut, à volonté, modifier la com position. Qu’elle s’efforce donc, en remontant aux vrais prin cipes de la souveraineté nationale , d’opposer aux passions anarchiques, aux volontés perverties trop long-temps par de détestables maximes, non pas la force armée, mais la digue plus puissante de la raison, toujours résolue à n’appeler qu’à la discussion éclairée par l’expérience, des erreurs passagères d’une majorité trompée un instant. Que la majorité répudie cou rageusement dans le passé toute glorification du succès d’une insurrection et qu’elle ne fasse reposer son autorité que sur le suffrage libre des électeurs qui l’ont élue. Surtout, plus de ces anniversaires d’émeutes, si ce n’est pour les condamner solen nellement , ou pour pleurer sur les malheureuses victimes de la guerre civile. — Tout s’est passé depuis trois jours, sauf le résultat final, comme M. Ledru-Rollin l’avait annoncé à la tribune. Lundi, interpellations au ministère sur les affaires de Rome ; sommation faite à l’assemblée de livrer le gouvernement, à la majorité d’obéir à la minorité. Elle arriva bien vile , entra dans cette triste chambre , courageuse et ca chant ses larmes , au moment où mon mari pressait ma main de sa main presque froide !... — « Monsieur Delaunay ici !... s’écria-t-elle... O mon Dieu! j’aurais dû le deviner !... » Son mari n’avait rien entendu. Et, tombant à genoux , elle embrassa cette main que j'avais quittée , et qui sembla se réchauffer , se ranimer sous ses baisers. — « C’est toi, Thérèse, dit François... je le sens !... Oh ! viens sur mon cœur !... il bat encore, et pour toi !... » — o Tu vivras, lui dit-elle , tu vivras . mon ami !... t — « Monsieur Muller ajouta-t-il en s’adressant à moi, c'est Thérèse !... c’est l’ange dont je vous ai si souvent parlé !... Oh ! je remercie Dieu qu’elle puisse enfin vous voir, vous connaître, et vous dire aussi sa recon naissance... » — • Depuis long-temps, elle est toute à vous, dit Thérèse , osant à peine lever ses yeux sur moi, et je sens, en ce moment, qu’elle s’augmente encore... » — « Thérèse, monsieur Muller, Marthe, disait François, ne me quittez pas !... Vous voir tous trois réunis autour de mol, c’est aussi un bonheur qui me vient d’en haut !... » — « Mon ami, lui dis-je, calmez-vous... prenez cette boisson... elle vous fera du bien... » — « A quoi bon ? » dit-U. — « C’est Marthe qui l’a préparée... et c’est votre Thérèse qui vous la présente !... » Et ses lèvres s’approchèrent de la tasse qu’on lui offrait. Il passa bientôt, entre François Darblay et sa femme, une des scènes im possibles à décrire. Le panvre François voyait sa fin venir; Thérèse l’encou rageait, s’efforçait de lui donner une espérance qu’elle n’avait pas; — et Marthe et mol, à l’écart tous deux , nous n’osions pas dire une parole , et nous adressions à Dieu la même prière... Ilélas ! cette prière ne fat pas entendue ! et le soir même , au coucher du soleil, François Darblay s’étei gnit entre les bras de sa femme et les miens !... Après de grands efforts, Martheet moi éloignâmes Thérèse; et nous la con duisîmes chez une dame qui habitait la même maison , et qui eut pour elle tous les égards que commandait sa position. — A dix heures du soir, je confiai cette pauvre malheureuse femme à mon vieux domestique, et je la fis ramener chez elle. Je fis rendre à François Darblay les derniers devoirs ; et une modeste pierre , portant son nom , indiqua à Thérèse la place où elle devait venir pleurer et prier. Un sentiment de convenance m’empêcha de voir Thérèse de quelque temps ; je devais respecter sa douleur , et je m’interdis tout rapprochement. Mau U bonne Marthe qui » en perdant François, avait perdu son fils, ve-...

À propos

Fondé en 1819, Le Journal de la ville de Saint Quentin publie les annonces judiciaires de son département sans le concours du gouvernement. L’initiative porte ses fruits puisque la publication du journal demeure assurée jusqu’en 1914.

 
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