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Journal de la ville de Saint-Quentin et de l’arrondissement, 30 janvier 1881

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Journal de la ville de Saint-Quentin et de l’arrondissement
30 janvier 1881


Extrait du journal

Suint-Quentin, 29 janvier 1881. Y a-t-il quelque chose entre l'impunité absolue de la presse, audacieusement ré clamée par M. Floquet, et le régime d’ex ception savamment élaboré par la commis sion présidée par M. de Girardin ? — Le débat qui se poursuit depuis trois jours à la Chambre se résume en ces deux termes. Il ne s'agit pas, eu effet, de démontrer, comme M. Agniel s'est donné la peine de le faire en excéllents termes, d'ailleurs, que le retour au droit commun, sans dispo sitions complémentaires, placerait la presse au-dessus des lois; puisque, en l'absence de textes précis, la plupart des délits et des crimes commis par elle échapperaient à toute répression. Il s’agit tout au contraire de décider s’il ne serait pas préférable d’étendre aux délits de parole et de presse les pénalités édictées contre - les délits et les crimes ré primés en vertu du code pénal, et de les faire rentrer par la simple révision de quelques textes, dans la législation qui s’impose à tous les citoyens, journalistes ou autres. Or, on n'est pas loin de penser dans cha cun des camps où la discussion se poursuit, que cette révision serait facile, qu'elle demanderait très peu de temps et que le Parlement pourrait la terminer avant un mois. —Pourquoi donc repousser cette solution, et comment le gouvernement et la commission ne sont-ils pas déjà tombés d'accord pour la présenter à la Chambre? Celte thèse, nous le savons, n’est pas la thèse radicale. La thèse radicale c’est l’im punité par le privilège.Nous avons déjà dit ce que nous pensions de cette manière de voir. Elle est illibérale en ce qu’elle efface la responsabilité. Anti-égalitaire, en ce qu'elle met l’homme qui tient une plume au-dessus du droit commun, la loi de tous. Exception pour exception, nous préfére rions encore l’exception dangereuse pour l’écrivain à celle qui serait dangereuse à la société, car nous ne sommes pas de ceux qui rient du péril social, et croient avoir tout dit en déclarant la presse impuissante. Le droit commun, d’ailleurs, n’a rien qui effraye l’honnête homme. Ce qui l’é pouvante, c’est le pouvoir discrétionnaire de l’administration et l’arbitraire de celui qui dirige les poursuites. e Nous ne sa chions pas que jamais bon citoyen se soit cru tyrannisé parce que le code punit les voleurs, châtie les assassins, et ne laisse que peu de sécurité aux faussaires et aux banqueroutiers. Mais, objecte-t-on, le droit commun vous fera un régime plus sévère et restreindra votre liberté. — Non pas, s’il est appliqué dans un juste esprit d'impartialité. En tout cas, il ne saurait produire de résultats plus étranges que les lois d’exception qui régissent en ce moment la presse. Comptez seulement les procès récents — ils sont plus nombreux que jamais — et décidez si la presse ne préférera pas être tégie par une loi unique que d'être exposee aux poursuites fantaisistes, dont M. Cazot, pour ne citer que celui-là, a cru devoir accabler les journaux qui n'admirent ni lui ni son œuvre 1 La loi, d’ailleurs, est si mal présentée, si mal faite qu’elle prête aux plus énormes équivoques et aux coalitions les plus inat tendues. Les partisans de l'impunité abso lue la rejettent aussi bien que les hommes les moins suspects de vouloir se placer en dehors des lois. D’un autre côté, les auto ritaires l’acceptent, parce qu’elle sera dure à la presse, tandis que de véritables libé raux l’approuvent dans l’espoir qu’elle constituera an sérieux progrès ! Que ces votes ne soient pas exempts d'ar rière-pensée, nous en convenons parfaite ment, et nous ne songeons pas à nous éton ner de compter, dans le même scrutin, les noms des droitiers les plus avérés, comme ceux des radicaux les plus absolus. Mais à qui la faute, si ce n’est à ceux qui ont permis une pareille rencontre ? Si la loi était claire et pratique, si les principes sur lesquels elle doit se baser, étaient nette ment définis, une semblable alliance eût été impossible. C’est le vague même du projet de la commission qui a fait tout le mal. Qu’on le refonde, qu’on supprime tout ce qui est d’exception, tout ce qui est temporaire, tout ce qui est politique, il restera alors une loi claire que les partis voteront ou repousseront, mais sur laquelle les coalitions ne pourront se former. Mais, cette loi-là, les partis la voteraient, parce qu’ils n’oseront jamais avouer que dans un intérêt autre que celui de la jus tice absolue, ils ont voulu accabler leurs adversaires... ou favoriser leurs amis. Donc, la loi pour tout le monde, toute la loi, — mais par-dessus tout, rien que la loi I...

À propos

Fondé en 1819, Le Journal de la ville de Saint Quentin publie les annonces judiciaires de son département sans le concours du gouvernement. L’initiative porte ses fruits puisque la publication du journal demeure assurée jusqu’en 1914.

 
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