Extrait du journal

Deux fois en quatre jours, samedi et hier, la Bourse s'est affolée de nouveau; les cours publics tombent d'effondrements en effon drements. Comment tout cela finira-t-il? Samedi, c'était une dépêche adressée d'Allemagne au Standard qui a causé la pa nique. Cette dépêche annonçait, d’après* la Gazette de Cologne, le prochain appel de 71.000 hommes de la réserve de l’armée allemande. Celte nouvelle est aujourd’hui confirmée, mais fallait-il s’émouvoir à ce point et pou vait-on en conclure que la paix était sérieu sement menacée ? Sur ce point, l’avis est loin d'être unani me; il y a, comme toujours, et les optimistes et les pessimistes. Les premiers font obser ver qu’en publiant celte nouvelle, la Gazette de Cologne s’est attachée elle-même à atté nuer ce qu’elle offre d’alarmant. Il ne s’agirait, selon elle, que de ce qui s’est toujours fait dès que l’on a introduit dans l’année un nouveau système de fusil. L’appel de 71,000 réservistes n’aurait d’autre but que de les familiariser avec l’emploi du nouveau fusil à répétition. Les pessimistes déclarent, de leur côté, qu’il leur est impossible de se rassurer à si bon compte. C’est cette hâte même que l’on met à habituer la réserve allemande à l’em ploi de la nouvelle arme qui excite leur méfiance. S’il n’y avait pas urgence, c’esla-dire si l'on ne se préparait à une guerre prochaine, on n’aurait pas eu recours, as surent-ils, à un appel aussi précipité. La panique d’hier, beaucoup plus grave (les couis ont baissé de deux francs), a pour cause principale un article de la Post dont on trouvera plus loin le résumé Cet article tend a incriminer les intentions du gouver nement, et notamment de notre ministre de la guerre, que le journal berlinois accuse de préparer activement la guerre contre l'Allemagne et d’avoir provoqué ainsi en France des dispositions belliqueuses dont il n’est plus le maître. La Post n’admet pas que les préparatifs dont elle parle soient faits en vue seulement de la défensive, et revendique pour l’Allemagne le droit de traiter ce motif de prétexte. Elle conclut en affirmant que les actes du général Boulanger exposent la France à de graves dangers, que pourrait seul détourner un revirement complet de l’opinion publique, provoqué par tout ce que la France compte de pa triotes sérieux et éclairés. Il convient de ne pis prendre au tragique ces arguments comminatoires Nous sommes habitués à ces menaces et à ces reproches, et nous n’avons pas même le droit d’en tirer la moiu;ire conséquence. Que ce langage constitue un symptôme inquiétant, on ne peut le nier, mais partir de là pour conjec turer l’aveuir, gardous-nous-eu bien. Pour nous, qui sommes chaque jour, comme tous nos confrères bien certainement, consultés anxieusement par un grand nombre de nos lecteurs, nous envions la perspicacité de ceux qui se vantent de savoir ce qu’il y a dessous les cartes que l’on remue devant nos yeux. Nous éprouvons d’autant moins d’humiliation a faire cet aveu, que nous sommes convaincus que personne en Europe, à l’exception peut-être de deux ou trois hommes, n'est plus avancé que nous. Tous, les uns plus inquiets, tes autres plus rassurés, en sont léduils à des craintes et à des espérances qui ne reposent que sur des suppositions. Il uVst personne, cependant, qui puisse disconvenir que, lorsque l’on remue tant de matières explosibles, il y a à craindre pour tous de sérieux dangers. Comment se sentir tranquilles au milieu de tant de barils de pou dre, quand ou se rend compte qu’au moin dre choc, à la moindre étincelle, le bâtiment peut sauter ? Ne semble-1 il pas qu’à l’heure où nous sommes l’un charge les fusils d’un bout de l’Europe à l’autre, ou que l’on s’ap...