Extrait du journal

Le docteur prescrivit un régime doux, calmant, le repos parfait de l’esprit, et assura que cela ne serait rien. En dépit de ces affirmations rassuran tes, la jeune femme saisit une hésitation dans sa voix, une tristesse dans son regard. — Suis-je sérieusement atteinte ? demandat-elle avec une résolution virile. M. Bord rut un rire qui sonna faux. — Par exemple ! quelle idée extravagante ! Vous êtes nerveuse, voilà tout. Evitez les émo tions... je vous recommande ça; pas d’émotion... Oui, oui, c’est nerveux, absolument nerveux... — Merci ! fit ta jeune femme avec un sourire navré. Arrangez-vous, docteur, ajouta-t-elle, pour me donner le temps d’élever mes enfants. Après, peu importe ! Elle saisit bébé Jacques et le couvrit de baisers. Avec la merveilleuse précocité de son intelli gence, ce bambin consolait sa mère de son mieux; s’il la voyait pleurer, il lui essuyait les yeux avec son p lit mouchoir et la conduisait au jardin, où, sous le souffle d’avril, fleurissaient les aman diers, les violettes, les anémones. D’autres fois, coiffé d’un képi galonné, la poi trine constellée de décorations en fer blanc, bar bouillées de rouge et de bleu, il traînait par les escaliers son sabre inoffensif, remplissant la mai son de sa gaieté. Odette, en dépit des s -ins les plus excessifs restait < hétive, malingre, semblable à une plante étiolée. EUe ne marchait toujours pas, ne parlait pas davantage, et passait des heures assise dans son berceau, immobile, songeuse. Nul ne l'aurait p rue pour la jumelle de Jacques. Aussi madone...