Extrait du journal

votre place ! Mais je devine, vous êtes ruiné à votre tour, las d’aventures, fatigué de débauche. Votre maitrtsse vous a jeté à la porte, n’est-ce pas ? Alors, vous vous rappelez, un beau matin, qu’il y a quelque part une demeure qui est à vous, une créature humaine qui est votre chose, et vous vous dites: Il est temps, rentrons au logis, il y a là bonne table et bon gîte ! Ah ! vrai, mon sieur, ceci crie vengeance ! Monteil s’exprimait avec une chaleur si entraî nante, une telle autorité, que ce mari piteux, venu en justicier, perdit cette fois une partie de son aplomb. En achevant ces derniers mots, Roger se tourna vers Marguerite, capable déjà de l’entendre, et, avec une vénération touchante : — Dois-je me retirer, madame? — Non, Roger, restez, je vous en conjure, cet homme est capable de tout. Madame d’Asmond s’était levée. Son teint s’a nimait sous les pulsations irrégulières de son cœur, ses narines se dilataient pour aspirer beau coup d’air, comme le pur sang réveillé par le clairon de la bataille. Droite dans sa robe flottante dessinant à peine le développement sobre de la poitrine et des hanches, elle examinait son mari. Il paraissait horriblement vieilli; sa sénilité précoce, ses traits empâtés, son costume sale, débraillé, racontaient les vices qui avaient effacé en lui jusqu’à ce cachet d’élégance recouvrant jadis d’un vernis trompeur la vulgarité de ses goûts, la bassesse de ses instincts. Une colère haineuse, terrible, lentement venue, transfigurait Marguerite. Elle se méprisait elle-même pour avoir pu, elle, f mme intelligente, s’abuser sur la valeur réelle de ce b llâtrr prétentieux; et elle se pro mettait, avec le ■ ourage indompt ble des martyrs, de mourir plutôt que de partager son existence....