Extrait du journal

23 CFHILLEÎD* DU JOURNAL DE ROANNE. VIE BRISÉE Par Marie de Besneray. Ses joues s’étaient creusées ; sur son front d’ivoire, traversé par deux rides, perlait déjà la sueur de l’agonie. Elle ne dormait pas, m»i> on l’aurait crue morte dans cette immobilité absolue. Seul, le cœur palpitait violemment, et soulevait le drap avec un mouvement de houle. Après la sortie de son mari, Marguerite avait eu une crise terrible. Roger, alarmé non sans raison, l’avait confiée à Annette pour courir lui même au village et ramener le médecin. La servante veillait maintenant près d'elle, égrenant son chaprlet pour combattre le sommeil. Dans la chambre, éclairée par une bougie, on en tendait le souffle des enfants dont les deux ber ceaux, avec leurs rideaux blancs, mettaient une tache claire sur le mur. Rien ne troublait cette tranquillité, sinon le tic tac de la pendule; l'aiguille marquait minuit. Soudain, Marguerite se soulève sur le coude. Qu’était-ce donc ? des pas, des chuchotements, un cliquetis d’acier ?... Elle tend l’oreille. Les rumeurs s’éloignent. Cinq minutes, cinq siècles s’écoulent. Le bruit recommence plus accentué et plus lointain en même temps. Marguerite se lève sans tenir compte de sa fai blesse, des supplications d’Annette, s’élance vers la fenêtre et l’ouvre. Au centre du jardin, dans une salle ronde où l’on dînait l’été, elle voit, entre les massifs à peine verdoyants, Albert et Roger eu manches de che mise, à trente pas l’un de l’autre, le corps effacé, le pistolet levé... Ils sont en pleine lumière, leurs ombres s’al longeant démesurément sur le sable, frappé par une pluie de rayons. En arrière, près des vêtements quittés et jetés aur un banc, Jean, dans une attitude militaire,...