Extrait du journal

— Tu vas amener la charrette au-dessus de la lucar ne du grenier, juste au long du jardin, en travers du che min qui conduit à la barre, et tandis que ton gougeard te jettera tes bottes de foin, ton autre domestique détour nera tout doucement les ballots et les faufilera de même au beau milieu de la charretée. As-tu compris ? —- Parfaitement. Mais si le brigadier ? — Sois donc tranquille, je me charge de l’amuser, moi. Avertis les hommes sans en avoir l’air, et prometsleur de ma part un fameux pourboire. — Convenu ; mais je m’en vais toujours fermer la bar rière. Au contraire, ouvre-la toute grande et fais la chose absolument comme lorsqu’il s’agit de porter à Lisieux ton fourrage. Le brigadier n’y verra que du feu, j’en ré ponds, et qui sait même!... peut-être nous donnera-t-il un coup de main. Ayant ainsi donné mes instructions, je fis deux ou trois tours par-ci par là, pour bien m’assurer qu’elles étaient exactement suivies ; puis je me retirai vers Jacquelin. 11 parut tout d’abord vouloir éviter la conversation. Mais le saluant d’une façon des plus polies : —Brigadier, lui dis-je, permettez moi de vous annoncer une nouvelle qui vous fera plaisir, du moins, je l’espère, et à votre nièce aussi. — Quelle nouvelle? J’ai renoncé pour toujours au commerce du cidre, et redeviens définitivement pêcheur, rien que pêcheur... parole ! Le vieillard ne put dissimuler un premier mouvement de satisfaction, mais pi'esque aussitôt il se prit à secouer la tête d’un air incrédule. — Parole ! vous verrez prochainement une jolie barque toute neuve attérir à Villerville ; ce sera la Rosier, la barque à Jean Le Coq, ses seules amours... et peut être que, dans une année, dans quelques mois... con vaincu par vos propres yeux de mon revirement com plet, de ma franche et bonne conduite... peut-être que...