Extrait du journal

Le Chemin de traverse et le Chemin de fer. La Fontaine en ses vers met en scène deux pots. Un critique s’en plaint : passe les animaux, Les fleurs, les arbres même, on se prête à la chose, Mais des pots : c’est trop loin pousser la fiction ; Et de quelques talents qu’un écrivain dispose Il doit craindre avant tout de heurter la raison. Que dirait aujourd’hui ce critique sévère, S’il me voyait prêter à des chemins Les sentimens et le langage humains ; J’aurais là sur les bras une mauvaise affaire, Et serais fustigé de la bonne manière. Mais, grâce au ciel, la critique est sans voix, Nos journaux l’ont tuée ; et je puis à mon aise Traiter en prose, en vers, un sujet qui me plaise, Sans qu’un maître importun me donne sur les doigts. Un jour donc, au détour d’un bois Près d’un fleuve aux riants rivages, Le chemin de traverse et le chemin de fer Disputaient de leurs avantages. Moi, disait celui-ci, d’un ton quelque peu fier, Je vais droit devant moi sans craindre les orages, Les précipices, les voleurs. Je franchis en un jour des espaces immenses, Dévorant les distances, Et transportant mes voyageurs,...