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Journal de Seine-et-Marne, 29 octobre 1874

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Journal de Seine-et-Marne
29 octobre 1874


Extrait du journal

Messieurs et chers concitoyens, On peut caractériser en quelques mots la dernière session de l'Assemblée nationale. L'Assemblée pouvait constituer la Répu blique que le pays appelle de tous ses vœux ; elle ne l’a pas voulu. Au lieu de la République, la majorité de l’Assemblée a essayé de constituer et d’imposer au pays une monarchie quelconque; mais divisée en partis rivaux et hostiles, elle ne l’a pas pu. Comme conclusion, elle n’a rien constitué du tout. Cette conclusion est déplorable. C'est encore une année de per due; une année, quand la France, réveillée par les désastres de 1870, de la fausse sécurité où l’Empire l’avait endormie, est pleine d’ardeur et de bonne volonté, désireuse de toutes les réformes, prête à tous les sacrifices, peur reconquérir la place qu’elle occupait au milieu des nations. Mais il s’agit bien pour la majorité de l’Assemblée de réformes et de progrès ; elle n’a ni le désir ni le temps de s’en occuper. 11 s’agit uniquement pour elle de maintenir le pouvoir, malgré la volonté du pays, entre les mains des classes qu'elle appelle dirigeantes, et de s'opposer par tous les moyens possibles à l’avénement définitif de la République et de la démocratie. C'est vers ce but qu’elle concentre ses pensées et ses efforts. Tout autre objet lui est indifférent et importun. SITUATION DES DÉPUTÉS RÉPUBLICAINS. Crovez-le bien, messieurs et chers concitoyens, la situation de député républicain, dans une pareille Assemblée, n’est guère en viable. Voir clairement ce qu'il faudrait au pays, ce que ses plus chers intérêts commandent, ce qu’il réclame de toutes ses forces, le proposer, le soutenir, avoir raison d’une manière évidente, in contestable, le démontrer au point d’obliger ses adversaires à le reconnaître eux-mêmes, et se heurter, sauf de bien rares excep tions, au moment du vote, contre un parti pris absolu et dédai gneux : c’est là notre lot. Même en dehors de la politique, telle mesure proposée par nous est repoussée, parce qu’elle émane de l'initiative d'un député républicain ; telle autre, parce que, excellente d'ailleurs en elle-même, elle pourrait profiter indi rectement aux idées répub'*caines ; une troisième, simplement à cause de la lassitude, de l’indifférence, de l'inertie qui a gagné la majorité de l'Assemblée. Il est difficile d'imaginer en effet combien de découragement et d'énervement jette dans cette majorité, la conviction qu’elle est en complet désaccord avec le pays, et la crainte que le pays ne finisse malgré tout, par avoir raison contre elle. TENTATIVE DE RESTAURATION MONARCHIQUE. Ce n'est cependant pas la crainte de le braver, ni la répugnance à lui imposer, si elle le pouvait, le régime le plus antipathique à ses sentiments, qui arrête la majorité. N’a-t-elle pas tenté sérieu sement, pendant les vacances de 1873, de combiner, pour la ren trée de l’Assemblée, la restauration de la Monarchie légitime, et d'appeler au trône, sous le nom de Henri V, M. le comte de Cham bord, dont la France ne veut à aucun prix, qui n’y compte certai nement pas un partisan par vingt électeurs? C'était trop présumer, même de l’Assemblée. Non-seulement toutes les tentatives faites pour entraîner le centre gauche dans un mouvement monarchique échouèrent, non-seulement ses membres les plus modérés restèrent fidèles à la cause républicaine, mais, de plus, les bonapartistes et quelques orléanistes, malgré l'espèce d'abdication consentie par les princes d'Orléans entre les mains de M. le comte de Chambord, reculèrent. Déjà le calcul des votes connus tournait contre la res tauration de Henri V, lorsque celui-ci publia, le 29 octobre, une lettre qui rendit toute entreprise, de ce genre, impossible. Il re fusait de faire la moindre concession, maintenait, dans toute son intégrité, ses prétentions, ce qu’il appelle son droit, et déclarait ne pouvoir abandonner le drapeau blanc pour le drapeau tricolore. Sur ce terrain, les légitimistes purs pouvaient seuls suivre leur roi. Les orléanistes, une partie même des légitimistes modérés, se dérobèrent. Le projet de restauration n'avait plus, au moment où la session s’ouvrit, le 5 novembre 1873, la moindre chance de succès. UNION DES TROIS GAUCHES. Je vous disais, dans mes précédents comptes-rendus, que j'avais presque toujours voté conformément aux résolutions prises par la réunion de la gauche républicaine. Je puis dire, pour cette session, que j’ai voté, sauf de rares exceptions, conformément aux résolu tions prises en commun par les trois gauches : centre gauche, gauche républicaine, extrême gauche. L’union entre les trois frac tions de la gauche n'a jamais, en effet, été plus complète. Le centre gauche, par son attitude résolue digne et ferme, en présence des menées monarchiques, avait pris, aux yeux des républicains, une excellente situation, il avait conquis leur confiance à tous. Tous les républicains sentaient aussi que la modération leur était plus né cessaire que jamais. Pendant que le centre gauche devenait plus républicain, l’extrême gauche devenait sensiblement plus modé rée. Il était dès lors facile de s’entendre pour suivre une direction commune. On réalisa cette entente par le concours des conseils de direction de chaque groupe, et nous n’eûmes qu'à nous féliciter de ce rapprochement, dont la continuation est si désirable....

À propos

Fondé en 1833 sous le nom Journal du commerce de l’arrondissement de Meaux, cet hebdomadaire républicain et conservateur devient le Journal de Meaux après seize numéros. Il prend finalement le nom de Journal de Seine-et-Marne en 1838 avant de disparaître cent ans plus tard, en 1939.

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