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Journal des débats politiques et littéraires, 1 septembre 1893

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Journal des débats politiques et littéraires
1 septembre 1893


Extrait du journal

pour lui toute amnistie. Dès lors, il n'est plus digne d'aucune pitié. Tout le reste n'était rien ; ce trait seul le condamne. M. Rochefort n'hésite plus à l'accuser : c'est lui qui a tué le pompier. Que ce soit lui ou un autre, il n'im porte guère aujourd'hui. Au surplus, il était de la bande qui a fait le coup, et le sang de la victime a bien pu l'éclabous ser, au moins moralement. Il invoque lui-même les témoins survivants qui étaient auprès de lui le jour du meurtre; il rappelle les soupçons qui se sont portés sur le général Eudes, et que M. Roche fort n'a pas essayé de détourner de l'innocent; en tout cela, il a raison, mais il va peut-être un peu loin lorsqu'il ajoute que, d'ailleurs, « il n'y a pas eu de caporal de pompiers tué à l'affaire de la Villette ». Alors, pourquoi toute cette indignation, soit d'un côté, soit de l'autre? Mais sans doute M. Chauvière joue-t-il un peu sur les mots dans une affaire qui mériterait plus de sérieux. Il y a eu un cadavre. Que ce soit celui d'un caporal, d'un ser gent, ou d'un simple pompier, le crime reste le même. Il n'en est pas moins odieux. La morale à tirer de l'incident Roche fort-Chauvière et du bruit qui se fait à son sujet, c'est que le recul de quelques années donne aux choses, même pour les yeux les plus prévenus, leur véritable caractère. Le lendemain du meurtre, on aurait trouvé facilement des gens pour l'excuser. Dans l'aveuglement des pas sions que les révolutions déchaînent, on voit trouble, on voit mal : un homme tué paraît un accident fâcheux, mais né gligeable; qui sait même s'il n'aurait pas trouvé des apologistes? Et voilà qu'au bout de vingt-trois ans, M. Rochefort et M. Chauvière étant brouillés, le premier trouve que le plus sûr moyen de ruiner électoralement le second est de l'accuser d'avoir tué le pompier de la Villette. AussitôtM. Chauvière s'émeut; il se sent perdu, si l'accusation s'accrédite, il pro teste avec énergie, avec indignation. « Deux hommes, dit-il, se sont associés pourm'accabler, pourtraînerdans la boue mon honneur et l'honneur des miens. » Ces deux hommes sont M. Rochefort et M. Laguerre. S'ils ont dit vrai, la con science publique se révolte contre M. Chauvière. Il a beau accuser M. Ro chefort d'avoir menti, et M. Laguerre d'être le « favori des jésuites », il n'est, lui, qu'un assassin. Mais nous n'avons garde de prendre parti dans la querelle. M. Rochefort a parlé trop tard pour être cru sur parole : il aurait dû le faire avant que M. Chauvière eût voté la vente de ses meubles. C'est ainsi pourtant que finissent généralement les amitiés révolutionnaires. Les amis d'hier se brouillent un moment où l'autre; il suffit d'attendre le moment, et alors on en apprend de belles sur leur compte ! On se demande toujours comment ces gens-là ont pu avoir assez de confiance les uns dans les autres pour se confier de certains secrets. C'est sans doute qu'alors ils n'y attachaient pas d'impor tance....

À propos

Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.

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