Extrait du journal

Il se modernise terriblement, l'Ordre des avocats. Il y a trois ans, pour toute bibliothèque, il n'avait qu'un couloir. Grâce à l'insistance de son bâtonnier, il a obtenu une large salle de travail. L'éclai rage en est encore assez défectueux ; mais le nouveau local avait tant d'avantages que les avocats s'estimèrent heureux. En même temps que la nouvelle bibliothèque, on inaugura deux petites salles : l'une contient deux fauteuils, c'est le fumoir de l'Ordre ; dans l'autre, on voit deux cuvet tes, deux savons et une serviette, c'est le lavabo de l'Ordre. A la vérité, il y a plus de huit cents avocats inscrits au tableau, sans compter les stagiaires à qui le règle ment ne défend ni de fumer ni de se laver les mains. Cette année, nouveau progrès : on va ouvrir, dans la cour de la SainteChapelle, un café et un restaurant réservés au barreau. Ils seront, assure-t-on, pro pres, aérés, spacieux. 11 y avait auparavant dans le Palais de Justice un endroit qui s'appelait la bu vette des avocats. Mais c'était un pauvre réduit, caché à tous les yeux, loin de la salle des Pas-Perdus, loin des salles d'au dience. Pour y parvenir, il fallait suivre de longs couloirs, gravir de sombres es caliers, longer le dépôt des objets perdus où dans la poussière gisent des milliers de parapluies... Au bout de cette longue pro menade on débouchait dans deux petites chambres tristement éclairées où devant quelques tables de marbre, sur les tradi ditionnelles banquettes de molesquine, quelques agents de la Sûreté et quelques jurés réunis absorbaient des boissons tiè des et des nourritures invariables. Les avocats y venaient peu. Il faut « être de la partie » pour saisir toute l'importance de cette nouvelle : les avocats auront, en plein Palais de Justice, un local confortable où ils pourront se dé saltérer et se nourrir. Les profanes seuls apprendront avec indifférence l'ouverture de cette buvette, sans se douter qu'il y a là un symptôme grave, un signe des temps nouveaux. Tout est désormais possible, même la réforme de la procédure civile. Le goût des choses surannées et incon-...