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Journal des débats politiques et littéraires, 2 février 1903

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Journal des débats politiques et littéraires
2 février 1903


Extrait du journal

EMILE TROLLIET Emile Trolliet, qui vient de mourir et dont quelques-uns de ses amis qui sont eux-mêmes des hommes de grand mérite, M. Durand et M. Rocheblave, ont très bien parlé, était une âme douce et charmante. La vie avait passé sur elle en la blessant quelquefois, mais sans l'ai grir ni l'altérer. Il était de ces résignés, très courageux, dont la nature est assez bonne et assez fiére pour traverser l'épreuve sans y suc comber, dont le ressort moral résiste à tout et que les déceptions même et les injustices de la destinée ne conduisent jamais ni à l'amertume ni à la misanthropie !... La fragilité de son enveloppe matérielle qui trahissait une santé chétive annonçait en quel que sorte la délicatesse de son âme, mais n'en révélait pas la vigueur. On pouvait cependant deviner en lui l'ardeur des idées,des sentiments et des convictions au timbre même de sa voix, qui était grave et harmonieuse, et au feu voilé de son regard. Poète, romancier, critiqué et professeur, lettré fervent et généreux, ami de ces « douces Muses» dont Montesquieu disait qu' « elles nous mènent à la sagesse et à la vertu parle plaisir», Emile Trolliet avait dévoué sa vie cachée au culte désintéressé de tout ce qui donne du charme et du prix à une existence hu maine : la poésie et la musique, l'art, le beau et le bien. Son enseignement, comme tout ensei gnement qui vaut la peine d'être écouté, n'était que Le reflet et l'écho.de sa propre vie : il y met tait, pour le profit des autres, ce qu'il portait, ce qu'il sentait de meilleur en lui, parlait à ses élèves comme â des amis et leur donnait autant d'exemples-que de leçons. Il n'y a pas de car rière plus pleine, plus joyeuse et plus enviable que celle du professeur quand on y remplit sa tâche avec la passion et la noblesse d'Emile Trolliet. Cette tâche ne suffisait pas encore à son dé vouement. Il voulait répandre autour de lui, dans un cercle plus large, les idées et les senti ments généreux dont il avait éprouvé sur lui même le bienfait. Directeur de la Revue idéaliste, il s'était proposé comme un devoir de combattre la diffusion fâcheuse et corruptrice d'un maté rialisme grossier, cynique et irréligieux, qui affligeait et révoltait en lui toutes les délicates ses de l'esprit et du goût, toute la pudeur et toute la fierte de la conscience. Fidèle, sans pé dantisme, aux meilleures traditions de notre race et de nôtre littérature, il le croyait et il le déclarait funeste à l'individu et à la société : il le détestait comme un ennemi public, et il le redoutait comme un poison; il ne craignait pas de le dire et de le prouver. Cet homme de goût, discret et modeste, devenait agressif et véhément pour défendre ses dieux contre de tristes profanations. Spiritualiste convaincu, chrétien sincère, si non catholique farouche et intransigeant, il était persuadé que le culte et le respect des idées mo rales suffisent à créer entre tous les hommes de...

À propos

Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.

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