Extrait du journal

d'autres féeries, qui lui vient révéler que le monde entier se gaùsse de la mansuétude du roi des génies; que cette nouvelle frasque de la reine a soulevé par toute la terre un rire uni versel des êtres et des choses : la lune même ne fait-elle pas des cornes au dieu trop débonnaire ? Alors l'indolent Obéron, tout surpris par les ré vélations de son fils, se sent animé d'une terri ble colère : il frappera les coupables, et l'univers entier se ressentira des effets de sa vengeance,A peine Titania a-t-elle eu le temps de dissimuler son nouvel amant sous des nuages propices que survient le roi des génies : il entend couper court aux fredaines de madame la reine. Pour commencer, qu'elle soit à jamais séparée de dernière conquête, afin de lui revenir, à lui le maître toujours épris de Titania ! Que le poète, emportant dans son cœur le souvenir d'un rêve inassouvi, retombe sur la terre, au mi lieu des rigueurs de l'hiver; qu'il souffre là dans son âme et dans sa chair; qu'il expire en fin d'une lente agonie, désenchanté, désespéré ! Un geste du dieu, et tout disparaît du délicieux séjour de rêve où le rimeur pensait devoir trou ver l'idéale tendresse et l'amour éternel. Voici Yann toujours endormi, sous la neige, au pied du Chêne des fées. C'est Hermine qui le réveille, Hermine qui l'a vainement cherché, toute la nuit, durant cette nuit où le radieux printemps a subitement fait place au plus rude hiver. Mais c'est en vain qu'elle le relève, en vain qu'elle voudrait l'entraîner, le rappeler à la vie, et lorsque Yann, tout absorbé par son rêve inachevé, les yeux fixés sur la place même où Titania lui est apparue, se voue à la mort plu tôt que quitter la forêt où l'enchaînent de déli cieux souvenirs, alors Hermine, attachée au rêveur jusque par delà la vie, s'étend auprès de lui dans la* neige et l'entoui'e de ses bras comme pour le posséder enfin dans la mort. Titania, tout à coup, apparaît dans une clarté resplen dissante et semble encore appeler celui dont elle a fait son esclave; mais ce n'est qu'une illu sion suprême, un dernier rayon d'espoir au milieu de l'agonie du désespéré. A la voix d'Obéron, la nuit s'étend sur toute la nature, la neige tombe à gros flocons, et les deux corps enlacés d'Hermine et de Yann ne forment plus bientôt qu'une légère éminence, toute blanche, auprès de laquelle passe, indifférent, le vieux berger Mathias, la besace au dos, une chanson aux lèvres... Il est très heureux pour M. Georges Hue qu'il ! soit tombé sur ce poème ; il est également heu-...