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Journal des débats politiques et littéraires, 3 août 1830

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Journal des débats politiques et littéraires
3 août 1830


Extrait du journal

PARIS, 2 août. Il y a huit jours que le Moniteur a publié les ordonnances despotiques de Saint-Clou'd, et voilà déjà le quatrième jour que le Moniteur publie les actes d'un nouveau gouvernement. Les anciens disaient que la peine suit le crime d'un pied boiteux. Cela n'est plus vrai de nos jours. C'est avec des ailes que la justice aujourd'hui poursuit et atteint le crime. Jamais plus grand exemple de juste rétribution n'a été donné au monde. Jamais la foi jiirée n'a été plus étrangement violée , ni plus promptement punie ;et si, négligeant les leçons de politique qu'il y a à tirer d'une pareille révolution, nous ne faisons attention qu'à la le çon morale, c'en est une grande que le spectacle de tout ce peuple se précipitant au milieu des feux de la mitraille au nom et au profit d'une idée morale , l'idée du droit. Le peuple de Paris n'a combattu pour aucun intérêt matériel ; non , ce qui lui a donné l'ardeur et le courage , c'est une conviction et une idée toute morale, le droit outragé. La colère contre .l'injustice a tout fait. Une Charte avait été solennellement jurée ; en retour de ce serment, la France avait donné pendant quinze ans , ar gent, majesté , puissance ; et tout à coup cette Charte est sacrifiée à un favori désastreux : c'est là une de ces sanglantes injustices qui frappent un peuple au cœur, et qui ont pour effet certain du de l'avilir à jamais s'il les supporte patiemment, ou de le pousser aux grandes choses par l'indignation. Remercions Dieu d'avoir fait le cœur de la nation française de telle sorte, que les outrages ne l'abattent point, mais le relèvent, et que les in ■ jures qui nous sont faites nous deviennent des occasions , non de faiblesse, mais de grandeur et d'héroïsme. 11 y a donc huit jours , et pas plus, que nous avons été provo- i qués, et aujourd'hui nous sommes vainqueurs ; disons plus : nous sommes paisibles. Ce n'est plus déjà la victoire, c'est la pacifica tion, tant les choses ont été vite, tant surtout elles se sont bien fiiites. Chaque jour l'ordre renaît ; chaque jour la société se ras sied sur ses bases. Huit jours ont suffi, pour passer du despotisme à la liberté insurrectionnelle, et de la liberté insurrectionnelle à la liberté légale. Cherchez , en effet, les traces, je ne dis pas du dernier gouvernement et des ordonnances du 26 juillet ; ces choses sont déjà séparées de nous par ce siècle de huit jours; mais cherchez même les traces de notre glorieuse insurrection; elles s'effacent et disparaissent d'elles-mêmes , tant ce peuple a de hâte de rentrer dans la paisible jouissance de l'état social que nous tenons de la révolution de 80 , de cet état social que le dernier gouvernement voulait neus enlever, et que nous avons irrévoca blement reconquis ! Les autorités provisoires se régularisent et s'affermissent ; celles qui ne sont plus utiles et que la nécessité seule avait créées , résignent volontiers leurs pouvoirs. Personne ne gâte l'héroïsme de la bataille par l'ambition qui suit trop sou vent la victoire. Entre toutes ces autorités provisoires qui déjà n'ont plus de nom que dans l'histoire , il ne faut point oublier la commission municipale de Paris, ni les services qu'elle a rendus, ni l'honorable empressement qu'elle a montré à déposer ses pouvoirs entre les mains du lieutenant-général. La Commission municipale n'a eu le pouvoir que pendant deux jours ; et pourtant elle a fait un grand bien :ce bien, c'est tout simplement d'avoir excité, c'est d'avoir saisi l'autorité qui flottait au hasard pendant les journées de l'insurrection, c'est de s'être fait le centre du mouvement qui vient de s'accomplir. Après le premier enthousiasme et l'ensemble qui résulte toujours de l'en thousiasme \ il fallait un corps qui continuât à donner de l'unité à la révolution/C'est ce qu'a fait la Commission municipale pen dant ses deux jours de puissance; deux jours qui valent des mois si on mesure le temps par les œuvres. Une fois le lieutenant-général nommé, c'est lui qui devait rester •chargé de la direction des affaires. La commission municipale s'est retirée. Cette abdication était nécessaire; elle n'en est pas moins honorable. Elle dément hautement les craintes de ceux que la ressemblance extérieure des choses trompe sur la différence intérieure. Abusées par leurs souvenirs, ces personnes voyaient dans la commission municipale la vieille commune de Paris res suscitéc. Qu'elles s'étonnent donc maintenant d upe commune de Paris qui résigne si vite et si aisément ses pouvoirs. Quant à nous, ce désintéressement nous plaît sans nous étonner. Créée dans l'ipsurrection dp 28 et du 29 juillet, la commission muni cipale dèvàît avoir le caractère de cette insurrection , c'est-à-dire être ferme et modérée. L'insurrection et la commission avaient toutes dçux le même principe et le même but, faire triompher la Charte. Une fois la victoire assurée et garantie, comme elle l'est aujourd'hui, l'insurrection et la commission devaient cesser. C'est ce qu'elles ont faite Tel est, il faut le dire sans cesse, l'avantage des luttes où l'on...

À propos

Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.

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